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Développement durable

Crise énergétique mondiale, solutions locales à Pantin

Baisse de la température à l’intérieur des bâtiments communaux, réduction des plages horaires des illuminations de Noël… Face à la flambée des prix de l’énergie, Pantin a fait le choix de renforcer sa stratégie de sobriété énergétique.
Extrait du dossier "Crise mondiale, solutions locales" réalisé par Christophe Dutheil, Frédéric Fuzier et Guillaume Gesret, publié dans Canal n°311, novembre 2022.

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Les causes de la crise énergétique

Chaque jour qui passe apporte son lot de mauvaises nouvelles sur le front de l’énergie : à l’envolée des prix du gaz et de l’électricité, s’ajoutent dorénavant les inquiétudes sur la remise en service pour l’hiver des 26 réacteurs nucléaires français à l’arrêt. La crise est évidemment grave pour les particuliers. Mais elle l’est aussi pour les collectivités. Dans une lettre ouverte de l’Association des maires d’Île-de-France (Amif), co-signée par Bertrand Kern, de nombreux élus viennent ainsi d’alerter les parlementaires sur le « risque de voir la continuité des services publics mise en péril l’année prochaine ». Ils craignent, en effet, de ne plus pouvoir payer les factures énergétiques de certains équipements.
Mais comment en est-on arrivé là ? La guerre que livre la Russie à l’Ukraine – et les sanctions qui en découlent – est un facteur d’explication. Mais ce n’est pas le seul, comme le note Lionel Guy, chef de service Énergies renouvelables et maîtrise de la demande en énergie à la Fédération nationale des collectivités concédantes et régies (FNCCR). « Les premières secousses se sont manifestées en septembre 2021, à l’issue de la crise Covid, explique-t-il. Durant cette période de forte reprise économique, les entreprises ont, à elles seules, absorbé l’essentiel de la production gazière, créant une tension sur les approvisionnements. Parallèlement, un certain nombre de centrales nucléaires ont dû être mises à l’arrêt, entraînant une autre pression sur le marché de l’électricité. » S’ajoute à cela la suppression des tarifs réglementés de vente de gaz (depuis 2015) et d’électricité (depuis 2021) pour toutes les collectivités de plus de 10 salariés qui ne sont, en conséquence, plus protégées par le bouclier tarifaire.

Hausses vertigineuses

Résultat : certaines collectivités ont subi, début 2022, des hausses de prix de 250 % pour l’électricité ou de 200 % pour le gaz. « D’après nos études, la hausse moyenne se situe plutôt aux alentours de 160 % pour l’électricité, précise Lionel Guy. C’est le signe qu’un certain nombre de villes restent protégées par des contrats négociés avant la crise. »
C’est le cas de Pantin qui achète son électricité par l’intermédiaire du Sipperec (Syndicat intercommunal de la périphérie de Paris pour les énergies et les réseaux de communication). Les groupements de commandes, pour le compte de plusieurs municipalités, permettent en effet d’être plus forts dans les tractations avec les fournisseurs. « Le tarif que nous avons obtenu en juin 2021 est intéressant au regard du contexte actuel puisqu’il n’a crû “que” de 43 % en 2022 », précise Grégoire Fourcade, directeur général adjoint Développement et prospective du Sipperec. Mais à quoi faut-il s’attendre l’an prochain ? « Nous anticipons une hausse de 27 à 130 % des tarifs d’électricité », répond le spécialiste.

Sobriété toute !

Pour supporter la hausse du coût des fluides – gaz, électricité et pétrole –, la ville n’a donc pas d’autres choix que d’amplifier les rénovations thermiques de tous ses bâtiments et d’accroître les économies d’énergie. Ainsi, pour l’hiver 2022-2023, le plan de sobriété énergétique communal est sans concession sur de nombreuses mesures simples pouvant aider à juguler les dépenses. Les prêts de car aux centres de loisirs, écoles (à l’exception des maternelles) et associations seront limités pour les trajets de moins de 15 minutes à pied. Concernant le chauffage, la température de consigne baissera de 1 °C dans les bâtiments municipaux et de 2 °C sur les plateaux sportifs.
Pantin, première ville d’Île-de-France à avoir converti, en 2016, 100 % de ses éclairages publics en LED (ampoules basse consommation) – réalisant ainsi 50 % d’économie – s’apprête également à réduire l’éclairage nocturne des rues de 20 minutes le matin et le soir. Quant à la façade de l’hôtel de ville, elle revêtira son noir manteau dès 22 heures.
La période de Noël sera également mise à contribution puisque la durée et les plages horaires d’allumage des décorations basse consommation seront réduites : du 2 décembre au 10 janvier, elles s’illumineront à 17.00 et s’éteindront à 22 heures, au lieu de 1 heure habituellement. Elles redémarreront ensuite entre 7 et 8 heures (et non plus entre 5 et 8 heures).

Gagner en autonomie

Reste qu’à plus long terme, « la sobriété énergétique – sur laquelle les communes comme Pantin travaillent depuis longtemps – est un levier insuffisant pour faire baisser de façon importante les consommations », estime Lionel Guy. Et la ville l’a bien compris, elle qui est aux avant-postes du mouvement vers l’autoconsommation consistant à produire de l’électricité partout où le bâti le permet.
Des panneaux solaires ont ainsi été installés au stade Charles-Auray et sur les toits des écoles Joséphine-Baker, Cochennec et Auray-Langevin. Prochainement, une centrale photovoltaïque devrait être déployée sur la toiture du centre technique municipal. L’énergie ainsi produite sera dévolue à l’alimentation du bâtiment et des véhicules électriques de la commune, de plus en plus nombreux. Enfin, la ville est engagée dans la création d’un réseau de chauffage géothermique. Dès 2024, c’est donc la chaleur naturellement présente dans le sous-sol qui chauffera l’équivalent de 13 000 logements ainsi que de nombreux bâtiments publics.

3 questions à

Serge Ferretti, adjoint au maire délégué aux Bâtiments et Équipements municipaux et à la Sobriété énergétique 

Canal : Quelles sont les conséquences de la crise de l’énergie pour Pantin ?
Serge Ferretti : Elles sont d’abord budgétaires. Nos factures, plus que celles des foyers, subissent de fortes hausses et nous imposent plus que jamais de réduire notre consommation d’énergie. C’est l’objectif du plan communal de sobriété que nous venons d’adopter. Il prévoit notamment de baisser d’1 à 2 °C la température dans tous les bâtiments de la ville cet hiver : la température de consigne passera, par exemple, de 19 à 18 °C dans les services administratifs et dans les écoles élémentaires, de 20 à 19 °C dans les maternelles et de 16 à 14 °C dans les gymnases. Les plages de mise en service de l’éclairage public seront également réduites de 20 minutes le matin et le soir. Ces mesures sont, pour certaines, notables et sont susceptibles d’évoluer selon la situation. L’idée étant de valider, à la fin de l’hiver, celles qui pourraient être appliquées de façon pérenne.

À plus long terme, quelle est votre stratégie pour faire face à l’envolée des prix ?
S.F. : Je suis convaincu que nous ne reviendrons jamais au temps de l’énergie infinie, tout simplement parce que les ressources carbonées que sont le gaz, l’électricité et le pétrole se tarissent et resteront donc chères. Mais la ville se prépare à cette nouvelle donne depuis un certain temps et s’est engagée à relever les défis liés au changement climatique. Elle doit aussi répondre aux objectifs fixés par le décret tertiaire, entré en vigueur en France en octobre 2019. Ce dernier impose de faire baisser de 40 %, d’ici à 2030, la consommation énergétique des bâtiments publics et privés non industriels d’une superficie supérieure à 1 000 mètres carrés. Pour Pantin, cela suppose d’accroître encore les efforts de rénovation thermique des équipements municipaux (bureaux, écoles, piscines...). Depuis 2020, la ville consacre ainsi chaque année 2 à 3 millions d’euros à ces interventions.

Et quid de l’auto-production ?
S.F. : Grâce au travail de deux élus qui m’ont précédé – Charline Nicolas et Philippe Lebeau –, nous nous sommes engagés dans la création d’un réseau de chaleur géothermique qui devrait montrer ses premiers bénéfices en 2024 et nous rendre un grand service. Nous réduirons en effet notre empreinte carbone et ferons baisser nos coûts de consommation. Nous prévoyons aussi d’installer rapidement des panneaux photovoltaïques sur les toitures d’un certain nombre de bâtiments municipaux. L’objectif étant qu’ils produisent suffisamment d’énergie pour répondre à leurs besoins.

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