Emploi
Emploi : insertion et deuxième chance
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Le restaurant d’insertion Le Relais
Le restaurant d’insertion Le Relais a su apporter une réponse novatrice et durable aux problèmes d’emploi et de formation rencontrés localement. Dans l’ouvrage S’il suffisait de traverser la rue, le journaliste pantinois Philippe Chibani-Jacquot retrace les 27 années de cette épopée de l’économie sociale et solidaire. Rencontre.
Canal : Pourquoi avoir publié un livre sur l’histoire du Relais ?
Philippe Chibani-Jacquot : Cela paraît logique de raconter cette épopée. En pionnier, Le Relais a réussi à investir le terrain de l’insertion par l’activité économique. En près de 30 ans, cette institution a employé plus de 1 000 personnes en insertion et en a formé plus de 5 000, âgées de 26 à 55 ans. Parmi ces dernières, 80 % ont ensuite trouvé un emploi stable.
L’histoire du Relais, c’est aussi un soutien constant de la ville de Pantin qui en est actionnaire, tout comme Est Ensemble et le Département. Un tel modèle économique pourrait-il exister sans appui politique ?
P.C-J. : Non. Les structures de l’économie sociale et solidaire se trouvant à un carrefour entre pérennité économique et utilité sociale, l’enchevêtrement entre l’économique et les politiques publiques est essentiel.
Le modèle du Relais, si particulier, est-il transposable ?
P.C-J. : Le Relais a développé un modèle qui n’a été que peu reproduit mais qui peut parfaitement être dupliqué. C’est la complémentarité entre insertion et formation qui était compliquée à mener. Mais ce modèle porte également un esprit de compagnonnage, véhicule les valeurs de l’éducation populaire et a apporté une réponse concrète aux problèmes locaux d’insertion. Le Relais symbolise enfin l’histoire de la ville, cette bascule d’un modèle d’emploi industriel à une économie de service.
Plus d’informations sur le site internet du restaurant Le Relais.
Après 27 ans de bons et loyaux services, le fondateur et dirigeant du Relais, Belka Kedher, a passé la main à Nabil El Dirani. Parce que les objectifs initiaux de cette institution locale – former et insérer des personnes éloignées de l’emploi – demeurent, le nouveau directeur, issu de l’humanitaire, a choisi de consolider la structure juridique de l’établissement en créant les Relais solidaires. Cette association chapeaute trois entités : Relais restauration (qui regroupe l’activité du restaurant et de la vente à emporter), Relais formation (chargé de la formation diplômante et de l’insertion) et Relais cultures (qui concerne les activités culturelles et les résidences d’artistes).
Aujourd’hui, c’est l’activité de traiteur, fortement ébranlée par la crise sanitaire, qui fait l’objet de toutes les attentions. Le Relais cherche ainsi à s’orienter vers de nouveaux marchés de vente à emporter et continue à faire feu de tout bois pour élargir son activité, à l’image de l’ouverture cet été, sur l’ancien parking du restaurant, de la guinguette. Résultat : les 16 emplois en insertion ont pu être préservés et les sessions de formation sont maintenues. Mieux : la duplication du modèle se dessine avec l’ouverture, en 2021, d’une saladerie au Pré Saint-Gervais. Des projets de food truck sont également dans les cartons.
L'insertion avec L'association Urban déco
Installée avenue Édouard-Vaillant, l’association Urban déco concept tend la main à des personnes éloignées de l’emploi en les recrutant pour prendre part à des chantiers d’insertion. Elles apprennent alors le métier de peintre en bâtiment et participent à de nombreux travaux commandés par la ville.
Quel est le point commun entre la réhabilitation du préau de l’école Sadi-Carnot et la mise en peinture du café associatif Pas si loin ? On doit ces interventions aux équipes de l’association Urban déco concept. Dans les prochaines semaines, les peintres qu’elle emploie en insertion s’attaqueront à d’autres chantiers. Le plan-ning prévoit des travaux de finition à l’école Jacqueline-Quatremaire, à la ludothèque des Courtillières et aux Sheds, futur équipement socio-culturel du quartier des Quatre-Chemins. « Nous avons un carnet de commandes suffisamment épais pour donner du travail à une vingtaine de personnes en ce moment », se félicite Éric Métivier, le directeur technique de l’association.
Un tremplin vers l’emploi
Reconnue d’utilité sociale, Urban déco concept existe depuis 2012 et répond aux appels d’offres des collectivités dans le cadre des clauses sociales des marchés publics. « Aujourd’hui, nous avons gagné la confiance de plusieurs mairies qui nous demandent de repeindre ou de rénover des équipements publics », poursuit le directeur technique. Si son objectif est de mettre rapidement les nouvelles recrues sur le terrain, l’association n’oublie pas de proposer tout un parcours de formation pré-qualifiante qui permet à ses salariés d’enrichir leur CV. « Un chargé d’insertion et une formatrice en orientation professionnelle sont là pour préparer l’après, ajoute Éric Métivier. En effet, nos contrats ne peuvent pas être renouvelés au-delà de deux ans. Notre responsabilité est, par conséquent, d’anticiper la sortie vers un emploi durable ou une formation professionnalisante. »
Plus de renseignements sur Urban déco concept :
- Par téléphone : 01 48 46 39 18
- Par mail : urban.deco.concept@gmail.com
Ils ont été recrutés pour participer au chantier des Sheds
Éric, 58 ans
« Magasinier, chauffeur-livreur... j’ai fait mille petits boulots dans ma vie et je suis employé par l’association Urban déco depuis un peu plus d’un an. Cela m’a permis de me mettre à la menuiserie et à la peinture et de sortir du chômage. Je suis content de me lever le matin pour travailler. Après un contrat de 26 heures par semaine, je suis passé à 35 heures rémunérées sur la base du Smic. Aujourd’hui, j’aimerais finir ma carrière dans le second œuvre. »
Eugénie, 30 ans
« Comme j’ai envie de me mettre à mon compte dans le secteur de la peinture décorative d’intérieur, une conseillère de la Maison de l’emploi m’a orientée vers les formations d’Urban déco concept. J’ai 30 ans et, à cet âge-là, c’est difficile de reprendre une formation en alternance ou d’effectuer des stages. À chaque fois que j’ai contacté des entreprises, ma candidature n’a pas été retenue en raison de mon inexpérience et… de mon genre, peut-être aussi. Aujourd’hui, grâce aux différents chantiers auxquels j’ai participé, j’ai bien progressé. »
Karim, 48 ans
« Avant d’arriver en France en 2013, j’ai travaillé dans le bâtiment en Algérie pendant 23 ans. Ici, je ne trouve pas de patron. J’ai fait un peu de travail au noir, mais cette situation ne me convient pas. C’est Pôle emploi qui m’a parlé des chantiers d’insertion. Je viens de signer un contrat de huit mois et j’ai l’espoir que cela débouche sur quelque chose. À l’issue de cette période, j’aimerais décrocher un CDI dans une entreprise du bâtiment. On me conseille aussi de prendre le statut d’auto-entrepreneur mais je ne sais pas si je m’en sens capable ».
Ibrahim, 27 ans
« Je n’arrive pas à trouver d’emploi durable depuis que j’ai obtenu mon Bac pro électrotechnique. J’ai rencontré le directeur de l’association Urban déco concept grâce à Pôle emploi qui a organisé, cet été, une session de recrutement dans ses locaux. J’ai montré ma motivation. Je sais que dans les métiers du bâtiment, ça recrute, surtout quand on est sérieux et qu’on a de l’expérience. Je suis ici pour apprendre. J’ai deux enfants. Il faut donc que je trouve rapidement du travail . »
Le droit à une deuxième chance
Début septembre, l’École de la deuxième chance a ouvert une antenne à Pantin qui devrait, à terme, accueillir 150 élèves par an. Sa vocation ? Favoriser l’insertion professionnelle des 16-25 ans qui n’ont ni diplôme ni qualification.
Jeudi 3 septembre, rue Delizy, une douzaine d’adolescents et de jeunes adultes, sortis des radars de l’Éducation Nationale, ont effectué leur rentrée « scolaire et professionnelle » dans un établissement d’un genre particulier. Quelques jours plus tard, le 28 septembre, une deuxième promotion leur a emboîté le pas. Sur le site pantinois de l’École de la deuxième chance (E2C), les « rentrées » se succéderont ainsi tout au long de l’année, jusqu’à atteindre 150 élèves par an.
Créée en 1997, par l’ancienne Première ministre Édith Cresson, l’E2C est un dispositif national qui aide les 16-25 ans, sans diplôme ni qualification, à mettre en œuvre, pendant six mois en moyenne, un projet d’insertion professionnelle. En près de 25 ans, 115 000 jeunes ont bénéficié de ce système.
L’école, mais pas que…
Le processus se déroule en alternance – trois semaines à l’école, trois semaines en entreprise. Les jeunes, payés par la Région (330 euros mensuels en Île-de-France), profitent du statut de stagiaires de la formation professionnelle. Responsable de l’École de la deuxième chance de Seine-Saint-Denis créée en 2002, à la tête de quatre sites regroupant 620 jeunes (58 % de filles et 42 % de garçons), Hervé Coué précise : « Notre valeur ajoutée, c’est que nous proposons des parcours individualisés, correspondant aux situations hétérogènes des jeunes : certains ont arrêté l’école en cinquième, d’autres sont diplômés à l’étranger… La spécificité de Pantin sera d’ailleurs d’accueillir des élèves néo-arrivants. »
Comme partout en France, ils suivront des cours de mathématiques, de bureautique, de communication orale et écrite, de théâtre, d’éducation physique et sportive et même… de philosophie. Et, avec l’aide de formateurs, ils élaboreront leurs projets professionnels : rédaction de CV, sensibilisation aux codes de l’entreprise... Un cursus validé par une attestation de compétences acquises.
Les entreprises en première ligne
Dans ce parcours, les entreprises jouent un rôle crucial : elles accompagnent les jeunes d’un point de vue pédagogique, les forment et apportent un soutien financier essentiel, puisque l’école est éligible à la taxe d’apprentissage. « L’E2C permet à l’entreprise de tester les jeunes avant de les embaucher… », résume Hervé Coué. Conséquence : à l’issue immédiate du cursus, 61 % des anciens élèves trouvent un emploi durable, une formation professionnelle ou poursuivent leurs études. Un an après leur départ, ce taux grimpe à 68 %. Hervé Coué parle même, dans certains cas, de « success story ». Ainsi évoque-t-il ce jeune créateur d’entreprise informatique qui emploie aujourd’hui une cinquantaine de salariés.
Plus d’informations sur le site internet de l'E2C Seine-Saint-Denis.