Culture
L’antichambre des tournages se niche aux Quatre-Chemins
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À gauche, des kilomètres de redingotes, robes perlées, chapeaux cloche ou chemises empesées. À droite des plastrons, sacoches ou cannes à pommeau. Trois niveaux, 4 500 m2 de vêtements d’époque (du Moyen Âge aux années 80), 1 200 m2 dédiés aux uniformes et aux costumes contemporains (des années 90 à aujourd’hui), des milliers d’accessoires classés par siècle et par genre, le tout… à louer ! Bienvenue chez Euro-Costumes, la plus prestigieuse maison française de location de vêtements pour le cinéma et la télévision. Salariés de sociétés de production, comédiens et figurants s’y pressent, les uns pour trouver la perle rare, les autres pour effectuer des essayages. « Euro-Costumes est incontournable lorsqu’on tourne un film d’époque ou contemporain », atteste Annie Thiellement, la costumière du film " Le Petit Nicolas ".
Une saga familiale
Tout commence dans les années 30, avec le grand-père de Pascale Bourtequoi, la propriétaire des lieux. Le célèbre costumier Marcel Traonouez loue alors des vêtements aux troupes de théâtre et aux réalisateurs de films muets. Il transmet l’entreprise aux parents de Pascale qui, appelée par son grand-père, rejoint l’aventure en 1979. Elle a alors 19 ans. « Je pensais occuper un poste de secrétaire. Mais j’ai passé les trois premières semaines à la cave, à cirer des chaussures. Une manière bien à lui de me transmettre le métier ! » s’amuse-t-elle.
Avec les années, la maison familiale devient sa raison de vivre, malgré quelques revers. Le 10 février 1982, un incendie criminel détruit l’intégralité du stock patiemment constitué trois générations durant. Les parents de Pascale, qui ne parviennent pas à remonter la pente, cèdent, en 1985, l’empire familial au numéro 1 anglais de la location de costumes. Fidèle à la mémoire de son grand-père, Pascale repart de zéro et rachète un à un de nouveaux vêtements, chinant, envoyant ses équipes dans les salles de vente, sillonnant l’Europe. Patiemment, elle reconstitue son stock. L’entreprise renaît de ses cendres en 1998 sous le nom d’Euro-Costumes. En 2010, la société quitte son cocon parisien, devenu trop étroit, pour s’installer aux Quatre-Chemins où 550 m2 de locaux sont réservés aux productions afin que leurs équipes y orchestrent les essayages.
L’habit fait le moine
Vêtue de costumes précieux et colorés, sanglée dans de stricts uniformes, arborant la soutane ou affublée de couvre-chefs farfelus, on y croise toujours une foule bigarrée et étrange : jusqu’à 250 personnes par semaine. « En ce moment, pour la suite du " Petit Nicolas ", dont le tournage s’apprête à débuter, nous accueillons 100 figurants. Imaginez le bruit et le mouvement ! », explique Alexandre Métier, le fils de Pascale. « Le costumier d’Un village français et ses 80 épisodes s’est installé ici pendant 7 ans ! », ajoute sa mère.
Aujourd’hui, c’est Sylvain qui vient essayer son costume d’ouvrier. Il a fière allure dans son bleu de travail en toile épaisse. Guy Custos l’accueille, muni d’une fiche où figurent ses mensurations. Embauché en 1982, il a tout appris avec le père de Pascale. Passionné de costumes, il ajoute un supplément d’âme à ce gigantesque vestiaire dont il connaît chaque pièce. « Comme Pascale, je me suis formé sur le tas et en me documentant dans les livres. Ma fierté ? " Les Visiteurs " ou " Highlander " pour lesquels j’ai fait des propositions aux costumiers. »
Les tournages débutent rue Denis-Papin
En sortant, Sylvain croise Anna, comédienne à l’affiche du " Petit Nicolas ", qui émerge du département femme, vêtue d’une robe trapèze jaune acidulé. « Revêtir son costume pour la première fois, c’est tout de suite devenir quelqu’un d’autre, se mettre dans la peau de son personnage. C’est l’antichambre du tournage », explique-t-elle dans un crissement de nylon.
Annie Thiellement acquiesce avant d’ajouter : « Je viens régulièrement m’approvisionner ici. Parfois, j’arrive avec une idée précise, d’autres fois je compte sur l’ampleur et la richesse du stock pour trouver l’inspiration. Je cherche sur place, pas en ligne, j’ai trop besoin de palper l’étoffe. C’est toujours un moment magique, une vraie caverne d’Ali Baba ! »
À l’aube de sa retraite, Pascale continue d’acquérir de nouvelles pièces. « C’est une nécessité ! Les costumiers qui me sont fidèles depuis vingt ans ont besoin de découvrir de nouveaux vêtements. C’est surtout une passion et une addiction ! Mon péché mignon ? Les robes en calicot. Usés jusqu’à la corde, maintes fois reprisés, ces vêtements de paysannes m’émeuvent bien plus qu’une robe de cocktail », déclare-t-elle.
À la tête d’une maison florissante, elle compte aujourd’hui sur son fils pour poursuivre l’aventure. En attendant, elle a fort à faire pour déballer les 5 000 chemises années 50 qu’elle vient de recevoir…
Pour en savoir plus sur Euro-Costumes : https://euro-costumes.com/