© ville de Pantin

Culture

Un vivifiant appel d’art

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Depuis une petite dizaine d’années, Pantin se taille la part du lion dans le secteur de la création contemporaine. Mais, loin de vouloir rivaliser avec Paris, la ville se distingue par ses singularités : un art contemporain plus populaire, moins intimidant, plus diversifié et, surtout, résolument vivant ! De quoi jouer sa partition au sein du Grand Paris de la culture, et particulièrement lors de La Nuit Blanche qui, samedi 5 octobre, franchit le périphérique pour prendre ses quartiers à Pantin. Tour d’horizon. 
Dossier réalisé par Anne-Laure Lemancel et Guillaume Gesret, publié dans Canal n°282, octobre 2019.

Lorsqu’en 2012, le célèbre galeriste du Marais, Thaddaeus Ropac s’installe dans une chaudronnerie du XIXsiècle, à Pantin, la nouvelle fait l’effet d’une bombe dans le microcosme de l’art contemporain. « Les gens de notre milieu pensaient que personne ne franchirait le périphérique », confirme Laura Bertaux, directrice de la structure. Pourtant, il faut croire que l’intuition était bonne… Car, sept ans plus tard, Pantin s’impose comme « The place to be », selon les mots de l’artiste-sculptrice Pauline Ohrel. 

Un eldorado artistique accessible
Aujourd’hui, la ville est bel et bien devenue un véritable bouillon de culture. Aux avant-postes, la Pantinoise Anaïs Montevecchi, directrice du Décodeur d’art. Cette structure, active en matière de médiation culturelle, organise des visites de galeries et offre aux néophytes des clés d’accès à l’art contemporain. Sa directrice explique : «  À Pantin, quand j’ai commencé à tirer la ficelle, c’est la pelote qui est venue !  » 
Quotidiennement, le Centre national de la danse, les Halles Pouchard (devenues les Grandes-Serres de Pantin), le Ventre de la baleine, le Cneai (Centre national d’art contemporain consacré à la publication d’artistes) ou les Magasins généraux forgent ce nouveau visage. Pour Anaïs Montevecchi, loin de vouloir se substituer à Paris, Pantin apporte son supplément d’âme. Ainsi, compare-t-elle : « Le Marais, ce serait un peu le marché de l’art, le XVI e, le musée avec le Palais de Tokyo. Pantin, elle, réunit plusieurs strates : la création, la diffusion, l’exposition. Ici, l’art se crée… et vit !  » 
Directeur artistique des Magasins généraux, curateur (avec Anna Labouze) de l’exposition Futures of Love, visible jusqu’au 20 octobre et dont le catalogue vient de sortir, Keimis Henni renchérit : « Rebutés par les loyers parisiens et le manque de surface, les artistes se sont rués vers la banlieue, notamment Pantin, fort de sa proximité avec Paris et de ses vestiges industriels. La présence d’artisans d’art et de savoir-faire rares, comme le travail du métal ou du néon, favorisent, en outre, les synergies. » 
Pantin joue surtout la carte de la diversité, comme le souligne Anaïs Montevecchi : « Ici, il y a tout l’écosystème de l’art : de grandes institutions publiques, des artistes cotés sur le marché mondial, une galerie prestigieuse, des associations, des structures privées. Il existe même un endroit , la Réserve des Arts, où les artistes peuvent se fournir en matières premières récupérées. Bref, il y en a pour tous les goûts et toutes les bourses !  » Et puis, de ce côté-ci du périph’, le milieu de l’art contemporain paraît, osons le mot, moins élitiste qu’à Paris. Laura Bertaux acquiesce : « Notre lieu, gigantesque, intimide moins les visiteurs que les galeries mouchoirs de poche de Paris. L’art s’en trouve désacralisé. Nous voulions être accessibles à tous, pas uniquement aux collectionneurs internationaux. Et cela a fonctionné : les Pantinois poussent notre porte ! » 

Décloisonner les pratiques 
Mais ce qui pourrait définir le mieux la ville et a séduit Thaddaeus Ropac, c’est l’interdisciplinarité qui y règne. « Nous pouvons initier de riches dialogues avec la danse au CND ou avec la musique à la Philharmonie de Paris », confirme Laura Bertaux. D’ailleurs, l’institution historique de Pantin, le Centre national de la danse a, dès le début, joué sa partition en matière d’art. Depuis 2010, il accueille la biennale Émergences consacrée au design, à l’art contemporain et aux métiers d’art. Aymar Crosnier, directeur adjoint du CND, complète : « La danse a toujours été une puissance invitante conviant d’autres disciplines. C’est pourquoi nous avons créé une galerie en rez-de-chaussée du bâtiment. Nous possédons aussi le fonds d’archives de danse le plus important d’Europe. »

À l’Est, du nouveau 
Aujourd’hui, au-delà des frontières de la capitale, se dessine un Grand Paris de la culture. Des lieux situés en banlieue jouent un rôle majeur en matière de création et d’exposition. Après la multiplication des ateliers à Montreuil, on peut citer le Mac Val à Vitry, le Wonder/Liebert à Nanterre, la galerie Gagosian au Bourget. Parmi ces nouveaux territoires, le quart nord-est tire son épingle du jeu. Aubervilliers voit ainsi se multiplier des lieux artistiques, comme Les Laboratoires, et Romainville accueillera bientôt le Fiminco, un centre culturel de 20 000 mqui recevra notamment les 1 600 œuvres du Fonds régional d’art contemporain (Frac). Romain Semeteys, du Cneai, précise : « La “marque” Paris restera célèbre à l’international. Mais le dynamisme actuel de la création contemporaine se joue en banlieue. » Et, dans cette fièvre créatrice, Pantin se taille la part du lion. Keymis Henni conclut : « Pantin est en bonne voie pour devenir, à terme, la capitale de la création contemporaine du Grand Paris. »

Retrouvez le programme de La Nuit Blanche sur www.sortir.pantin.fr.

CARNET D’ADRESSES

DANS LE VENTRE DE LA BALEINE

À quelques encablures du métro Hoche, un lieu de création vit jour et nuit. Occupant une friche industrielle,
Le Ventre de la baleine est un dédale de 40 ateliers d’artistes et de 35 studios de musique. Pour le découvrir, rendez-vous les 12 et 13 octobre à l’occasion de ses journées portes ouvertes. En attendant, nous avons passé une journée dans ce lieu hors norme. 

 

10.00
«  Je tiens à préserver l’esprit underground du lieu  »

Lorsqu’on arrive au 22 de la rue du Pré-Saint-Gervais, difficile d’imaginer que 3 000 md’ateliers d’artistes et de studios de musique se cachent derrière cette façade anodine. Pour le découvrir, il faut franchir la petite porte d’entrée et s’enfoncer dans un long couloir sombre et labyrinthique. Dès lors, on comprend pourquoi le lieu a été baptisé Le Ventre de la baleine. Ici, on a l’impression d’être, tel Jonas, dans l’estomac d’un mammifère marin. Tout y est, même les glouglous de la tuyauterie apparente.
Le décor brut et décati est bien celui d’une friche industrielle restée dans son jus, qui rappelle que les Trente Glorieuses sont déjà loin. Le patron des lieux, Thibaut Sablé, nous explique : «  Ce site appartenait à mon grand-père qui dirigeait une entreprise de fabrication de sièges pour les trains Corail et les tracteurs. Quand il a mis la clé sous la porte dans les années 1980, mon père a transformé ces locaux en ateliers d’artistes. Aujourd’hui, je m’occupe de ce lieu de création. Je tiens à préserver son esprit underground en ne proposant pas des ateliers trop aseptisés. Nous ne sommes pas dans un hôtel 4 étoiles.  »

11.00
«  Il y a vraiment une énergie particulière  »
Un son puissant de batterie et des riffs de guitare résonnent dans les entrailles de la baleine. Marie-Jeanne Caprasse, une des artistes résidentes, grimpe l’escalier qui la conduit à son atelier, situé au deuxième étage. «  D’entendre les musiciens dès le matin, ça me donne la pêche. Il y a vraiment une énergie particulière ici.  » La plasticienne, qui loue un atelier dans Le Ventre de la baleine depuis plusieurs années, dispose d’une belle lumière pour peindre ses toiles colorées. «  Ici, je peux créer dans de bonnes conditions et me nourrir des échanges que j’ai avec les artistes qui font vivre ce lieu. » Marie-Jeanne regrette toutefois que Le Ventre de la baleine ne soit pas davantage ouvert au public. «  Il n’y a malheureusement pas d’espace pour exposer nos œuvres. J’aimerais que ce lieu soit plus connu des Pantinois. C’est d’ailleurs pour cette raison que nous organisons un week-end portes ouvertes les 12 et 13  octobre.  »

15.00
«  Ni stars ni peintres du dimanche ici  »

Au premier étage, Myriam Suriam boit un thé en regardant une toile qu’elle doit terminer. «  Je suis arrivée ici quand je suis sortie des Beaux-Arts. Comme la plupart des occupants, j’ai découvert cet endroit par l’intermédiaire d’un ami. On y entre par le bouche-à-oreille.  » Ce lieu lui a plu immédiatement : la proximité avec Paris, le tarif attractif du loyer, le côté bohème… «  Je croise des peintres, des sculpteurs, des photographes passionnants de toutes les nationalités – des Japonais, des Coréens, des Colombiens, des Portoricains… – et de tous âges. Il n’y a ni stars ni peintres du dimanche ici.  »
En bonne camarade et ambassadrice des lieux, Myriam nous parle des artistes qui « marchent bien »et qu’elle aimerait bien rassembler dans un collectif : Daniel Otero-Torres, Mickaël Doucet, Julie Susset, Marie-Aimée Fattouche… Elle observe, enfin, que ces ateliers sont aujourd’hui très demandés et que la liste d’attente s’allonge.

18.00
«  C’était un peu chaud  »

Abdesslem Gherbi répète une partition de trombone dans un des studios de musique, situé au rez-de-chaussée. Le musicien accepte de faire une pause pour nous donner sa vision du lieu. «  Je le fréquente depuis une quinzaine d’années, j’ai constaté de nettes améliorations. Tout en gardant son côté roots, il est devenu plus confortable. Je me souviens qu’au début, il y avait souvent des coupures d’électricité, des fuites d’eau, c’était un peu le bordel.  »
Abdesslem fait également référence à la période rasta. Au tournant des années 2000, Le Ventre de la baleine était, en effet, le QG des amateurs de reggae qui squattaient le rez-de-chaussée. Un article de presse de l’époque raconte les ambiances enfumées, les jam parties nocturnes, le deal et les heurts à la sortie. Le propriétaire Thibaut Sablé se souvient parfaitement de cette époque. «  C’était un peu chaud, il a fallu remettre un peu d’ordre. Aujourd’hui, on a retrouvé la tranquillité.  »

22.00
«  
Il y a toujours du monde dans Le Ventre de la baleine  »
La nuit est tombée et le ventre gargouille encore. Dans les étages, des oiseaux de nuit travaillent dans leurs ateliers, les cendriers débordent et l’odeur du marc de café se mélange à celle de la peinture. En déambulant dans les couloirs, on croise Patrick, sac à dos rempli de cymbales sur les épaules. Il est batteur et vient jouer quand les enfants sont couchés.«  Ici, on ne réserve pas le studio à l’heure, on le loue au mois. Du coup, on vient quand on veut, jour et nuit. C’est génial de disposer d’un tel espace, surtout pour un batteur. Là, au moins, je suis sûr de ne pas déranger les voisins.  » Patrick profite à fond de cette liberté. «  Parfois, on fait des bœufs en pleine nuit. Il y a toujours du monde dans le Ventre de la baleine, 24  heures sur 24 . »

Journées portes ouvertes
Samedi  12 et dimanche 13  octobre, de 14.00 à 20.00.
22, rue du Pré-Saint-Gervais

L’art modeste de Marcel Polin

Ce peintre attachant est aussi le plus ancien occupant du Ventre de la baleine. Installé là depuis les années 1980, Marcel Polin, sexagénaire serein, crée pour vivre. Et vit à son rythme.

« Si je ne me trompe pas, je suis le plus ancien locataire du Ventre de la baleine.  » Marcel Polin se souvient qu’il est arrivé au 22, rue du Pré-Saint-Gervais à la fin des années 1980. «  Je me suis installé là avec des copains qui sortaient des Beaux-Arts, comme moi. Cet endroit un peu déglingué était une aubaine, nous disposions enfin de grands ateliers pour peindre.  » 

Aujourd’hui, son espace, qu’il a entièrement retapé, est devenu sa deuxième maison. «  Je crois même que je passe plus de temps ici que chez moi.  » L’art est au cœur de la vie de ce sexagénaire. «  La peinture préoccupe ma vie  » ,résume-t-il simplement.

Marcel Polin peint des séries qui alternent entre figuration et abstraction. Il répète des formes géométriques et ne cesse de chercher des couleurs nouvelles. Enchaînant les cigarettes, l’artiste s’excuse de ne pas avoir de «  discours disponible  » pour présenter son travail. «  Je ne sais pas vraiment me vendre. C’est sans doute pourquoi le marché de l’art ne m’a pas ouvert les bras.  » Ce qu’il ne dit pas, c’est qu’il a vendu des tableaux à des collectionneurs qui passent le voir de temps en temps dans son atelier. Il a également rencontré quelques galeristes qui ont aimé ses œuvres. Cette année encore, ses toiles ont été exposées à Bruxelles. Une mise en lumière qui lui a valu un article élogieux dans la presse belge. «  Et si la reconnaissance arrivait sur le tard ? s’amuse-t-il. Sinon, ce n’est pas grave, mes tableaux finiront tous au feu. Quoiqu’il arrive, cela n’aura pas été inutile, car la peinture m’aide à vivre.  » 

Marcel Polin n’est ni amer ni frustré. Il continue de peindre et de discuter d’art ou de philosophie avec ses amis des heures durant. «  Je ne me suis jamais senti isolé. Les retours des uns et des autres m’ont toujours encouragé à suivre mon ambition artistique.  » À l’écoute des conseils de ses voisins du Ventre de la baleine, Marcel Polin entreprendra prochainement d’ouvrir un compte Instagram pour diffuser ses œuvres. « Je ne suis pas de la génération des smartphones, mais il faut s’y mettre, non ? »
 

Monumentales créations 

En attendant une réhabilitation d’envergure, Alios développement, propriétaire des Halles Pouchard devenues Les Grandes-Serres de Pantin, a souhaité qu’elles accueillent des artistes contemporains regroupés en collectifs. Parmi eux, Diamètre 15 réunit une vingtaine de plasticiens. Rencontre.

Sous le plafond de l’immense cathédrale de briques et de métal que forment les Halles Pouchard flottent des oiseaux légers, tissés d’air, de poésie et de grillage. Ces œuvres de la plasticienne Pauline Ohrel sont vouées à être exposées sur la Shanghai Tower, une des plus hautes tours au monde après celle de Dubaï. « Ce seront les sculptures les plus hautes dans le ciel », jubile l’artiste de 52 ans. Pour ses créations, les Halles Pouchard, mises à disposition par Alios développement en attendant leur réhabilitation, constituent un écrin précieux. « Telle une tortue, si j’évolue dans un petit bac, je reste de taille modeste. Mes œuvres gagnent en envergure à la mesure de mon environnement », explique-t-elle. Ce n’est pas Alexis Blanc qui dira le contraire. Ici, ce jeune sculpteur de 25 ans, réalise des installations monumentales. 
Ces deux artistes font partie du collectif Diamètre 15, fondé il y a deux ans par l’architecte Elisabeth Harbonn et la peintre Sibylle Raoux. Longtemps, ces deux passionnées d’art ont cherché le lieu idéal pour accueillir leur collectif. Après avoir eu vent du projet d’Alios, elles ont rassemblé une vingtaine d’artistes, pour la plupart fraîchement diplômés des Beaux-Arts. « Le collectif leur propose un endroit phénoménal pour créer. Il organise des expositions, mutualise les moyens et tisse des passerelles entre différentes techniques – sculpture, céramique, graphisme… Nous souhaitons développer des échanges entre artistes. Et plus ils se regroupent, plus ils gagnent en visibilité et plus ils pèsent dans le secteur de l’art contemporain. » 

Joyeuse énergie créative
Dans le grand espace alloué à Diamètre 15 règne ce jour, sur fond de musique jazzy, une joyeuse énergie créative. Simon Rousset, plasticien de 28 ans, planche sur la création d’une pièce-cabane et s’enthousiasme : « Alexis travaille le bois, Victor la céramique, moi le métal… On se complète, on apprend les uns des autres. » À ses côtés, Victor Cord’homme, 27 ans, bûche justement sur ses sculptures monumentales, sortes de mobiles mécaniques, riches de couleurs et de fantaisie.« C’est super de se retrouver ici, en bande, dans cet espace inspirant, à sa sortie d’école », se réjouit-il.  
Plus loin, Chelsea Mortenson, une Américaine de 33 ans, réalise une cabane en peinture. Elle travaille en prévision de l’exposition Jardinons les possibles. Imaginée par les deux commissaires et spécialistes d’art contemporain Ingrid Pux et Isabelle de Maison Rouge, elle réunira en ces lieux une quarantaine d’autres artistes à l’occasion de la prochaine Nuit Blanche. 

Site internet Diamètre 15 

DANS LE COCON DE FABRICE HYBER

Très coté sur le marché de l’art contemporain mondial, c’est à Pantin que le plasticien Fabrice Hyber trouve l’inspiration. Il a accepté de nous ouvrir les portes de son jardin secret. 

Dresser le portrait de Fabrice Hyber est un exercice redoutable, tant son œuvre est foisonnante. Le plasticien le sait d’ailleurs parfaitement. Quand il a réalisé son autoportrait au début des années 1990, il a fabriqué un savon de Marseille,« car il vous échappe, vous glisse constamment entre les mains ». Il faut préciser que ce savon n’était pas n’importe quel savon : il pesait 22 tonnes et a été officialisé comme le plus gros savon de Marseille du monde par le Guinness Bookdes records. 
C’est que Fabrice Hyber a le goût de la démesure. Dans le parc de La Villette, c’est lui qui a imaginé ce parvis de 16 000 carreaux de céramique sur lequel sont représentés 10 000 dessins très caractéristiques de l’univers « hyberien ». Cette œuvre, située à côté des manèges et baptisée L’Artère, commémore les années de lutte contre le sida. « Ce lieu de mémoire est un antimonument, et je suis très amusé de voir que les gens se sont appropriés cet espace pour danser ou qu’il était devenu, il y a deux ou trois ans, un des plus grands spots pour les joueurs de Pokemon Go. »

De nombreux projets en cours
Visiter son atelier, situé dans le Haut-Pantin, est, sans doute, la façon la plus simple pour comprendre l’artiste. Sympathique et guilleret, Fabrice Hyber nous montre ses nombreux projets en cours, des dessins inachevés, des sculptures en attente, des toiles en gestation. « J’ai besoin d’entreprendre plusieurs choses en même temps. Cet atelier spacieux me permet d’étaler mes productions. » S’il a choisi, il y a trois ans, de s’installer dans cet ancien atelier de serrurerie avec son équipe de six collaborateurs, c’est pour « son calme et ses beaux volumes. » 
Dans le local, on retrouve plusieurs œuvres qui ont façonné sa réputation, à l’image de cet exemplaire d’un Homme de Bessines, ce petit bonhomme-fontaine vert crachant de l’eau par tous les orifices. « J’ai imaginé cette sculpture à l’âge de 29 ans en me demandant à quoi je pourrais ressembler à 60 ans. Et dire que je vais les fêter dans deux ans… » Nous apercevons aussi le ballon de football carré, l’un de ses célèbres POFs. « J’ai fabriqué 200 objets que j’ai appelés Prototypes d’objets en fonctionnement. Ces POFs sont des objets familiers détournés de leurs fonctions originelles. Je les ai exposés au Musée d’art moderne de la Ville de Paris, au Centre Pompidou, au Mac Val… » Un peu plus loin, l’artiste nous invite à sentir un gros cube rouge. « C’est du rouge à lèvres pur couture n° 1 offert par la maison Yves Saint-Laurent. » Une matière qu’il affectionne et qu’il a utilisée pour recouvrir une toile lorsqu’il était aux Beaux-Arts de Nantes, puis pour réaliser Un mètre cube de beauté,pour une exposition au Palais de Tokyo. 

Hyber productif
Pour mesurer la cote de l’artiste, il suffit de l’interroger sur son actualité. Ce membre de l’Académie des Beaux-Arts, ancien Lion d’or de la Biennale d’art contemporain de Venise, est exposé en ce moment à la Fondation Cartier, à la Fondation EDF (Paris) et à la Fondation Carmignac de Porquerolles. Il présente aussi ce mois-ci des dessins au Palais idéal du Facteur Cheval. Pour découvrir ses dernières œuvres, les curieux peuvent aussi se glisser dans l’ambiance feutrée de l’hôtel Lutetia pour admirer la flamboyante verrière qu’il a créée ou pénétrer dans la salle du bistrot SupuRamen de Guy Savoy, décorée par cet homme « hyber productif ». 

À l’occasion de la Nuit Blanche, Fabrice Hyber ouvre son atelier samedi 5 octobre de 20.00 à minuit. 7, rue Gambetta.

Le Cnap, à l’aise comme un Pantinois dans sa ville

Avant de s’installer à Pantin en 2022, le Centre national des arts plastiques (Cnap), en charge des 100 000 œuvres du Fonds national d’art contemporain, a déjà initié un dialogue avec la ville, au travers d’expositions et d’actions culturelles. Parmi elles, l’opération La Nouvelle Adresse, prolongée lors de La Nuit Blanche. 

En 2022, le Centre national des arts plastiques (Cnap) investira, rue Cartier-Bresson, des bâtiments industriels de 25 000 m2, historiquement utilisés pour la production de la boisson Oasis et le stockage de l’enseigne Tati. « Le choix de Pantin nous a paru pertinent pour les qualités architecturales du bâtiment, son envergure capable d’accueillir nos 80 salariés et nos 35 000 œuvres en dépôt, et la proximité de Paris, propice à l’organisation de nos commissions hebdomadaires qui réunissent critiques d’art et collectionneurs… », explique Yves Robert, directeur de cet établissement public du ministère de la Culture, avant de saluer « le dynamisme artistique de la ville, un maillage riche autour d’une création vive et généreuse ». 
Parmi ses missions, le Cnap œuvre à la valorisation de la création en apportant son aide (réalisation de catalogues, recherches historiques, financements, etc.) aux artistes, éditeurs et galeristes. L’institution dispose également d’un budget annuel de 1,7 million d’euros pour acquérir des œuvres « d’artistes vivants », comme le précise Yves Robert. Collectionneur public numéro 1, le Cnap gère enfin le Fonds national d’art contemporain qui regroupe plus de 100 000 œuvres inaliénables, prêtées à des musées nationaux, provinciaux ou à des mairies.

Une institution ancrée sur le territoire 
Bien sûr, l’institution entend s’intégrer à son nouveau territoire et initier des projets avec Pantin, notamment par l’ouverture sporadique de ses locaux et la mise en place d’actions. Ainsi, il y a un an, l’opération La Nouvelle Adresse proposait aux Pantinois qui le souhaitaient de recevoir des lettres d’artistes. Au total, 200 habitants se sont prêtés au jeu, recevant des missives de France et de l’étranger. Parmi eux, Aurélie Martin a reçu plusieurs courriers. Aussi émue qu’amusée, elle raconte : « Une artiste voisine m’a envoyé une lettre qui m’indiquait comment venir chez elle pour nourrir son chat. J’ai également reçu un poème que j’ai accroché à mon frigo. »
Le Cnap a aussi initié, avec le CND, l’exposition Trois fois rien et prévoit, dès janvier, le lancement d’un vaste projet d’action culturelle, financé par la préfecture, en direction des habitants d’Aubervilliers et de Pantin. Pour l’heure, La Nuit Blanche prévoit de jouer les prolongations de La Nouvelle Adresse, avec La Nouvelle Adresse, retour à l’envoyeur, un atelier d’écriture et une rencontre entre habitants et artistes. Assurément, le Cnap gagne sa place à Pantin !

La Nouvelle Adresse, retour à l’envoyeur : 
samedi 5 octobre. 19.00 : rencontre avec les artistes ; 20.00 : performance. Théâtre du Fil de l’eau, 20, rue Delizy.
Site internet du CNAP

Un centre d’art engagé

Installé depuis deux ans aux Magasins généraux, le Cneai s’apprête à déménager dans les locaux de l’ancienne Goutte de lait, situés aux Quatre-Chemins. De quoi s’ancrer encore davantage sur le territoire et poursuivre son action sociale. 

On le surnomme le « Centre d’art grand parisien » pour son ancrage, artistique et social, sur le territoire. Depuis 1997, le Centre national édition art image (Cneai) défend de nobles missions qui s’étendent de l’accompagnement quotidien des artistes à l’exposition de leurs œuvres. Auparavant installée à Chatou (Yvelines), cette structure a investi les Magasins généraux il y a deux ans. Sculpture, peinture, graphisme... Place de la Pointe, le Cneai met en lumière toutes les disciplines. Le centre possède aussi une collection d’œuvres amassées depuis une vingtaine d’années. Mais pas question, pour autant, de rester dans sa tour d’ivoire ! Le Cneai sort à l’envi de ses murs pour sans cesse dialoguer avec son environnement.  

Et l’art vient à toi ! 
Ainsi, au printemps dernier, la structure a organisé, à la maison de quartier des Courtillières, une exposition d’œuvres contemporaines inspirées par l’architecture du Serpentin. À l’issue de l’événement, les habitants pouvaient emprunter une œuvre pour l’exposer chez eux. Un an auparavant, le Cneai inventait, aux Quatre-Chemins, le Musée sans bâtiment, une structure géométrique en cerceaux d’aciers conçue par l’artiste de renommée internationale Yona Friedman. Un été durant, ce lieu atypique a permis à tous les habitants du quartier d’exposer leurs œuvres – collages, photos, graffitis – réalisées à partir d’objets de récupération. 
Aujourd’hui, le Cneai s’apprête à renforcer encore davantage son ancrage local. En janvier prochain, il s’installera aux Quatre-Chemins, dans les locaux de La Goutte de lait, un ancien centre d’hygiène sociale doté d’une crèche de 60 berceaux, ouvert en 1931. Dans les 1200 mde ce bâtiment typique de l’architecture des années 30, le Cneai prévoit l’installation de trois studios dédiés à des résidences d’artistes, l’ouverture d’un toit-terrasse, d’un atelier de création, d’un espace d’exposition de 600 mou encore d’une cantine solidaire. De quoi devenir un lieu de vie ouvert sur la ville. Car, comme le précise sa directrice Sylvie Boulanger : « Le Cneai se voit comme le laboratoire d’un art qui assume un rôle social. »

Site internet du Cneai

Une association au secours des artistes 

Dans ses bureaux de la porte de Montreuil, Jean-Michel Sooprayen, directeur artistique de l’association La Métisse (LM Company), reçoit Laetitia, Pantinoise de 32 ans. Cette jeune graphiste en précarité professionnelle souhaite compléter son parcours par une formation en animation 2D/3D et motion design. « Ma conseillère RSA ne comprenait rien à mes envies d’orientation. Ici, on sait tout de suite de quoi je parle... », explique-t-elle. Depuis cinq ans, cette association vole au secours des artistes de Seine-Saint-Denis en difficulté. Jean-Michel Sooprayen précise : « En accord avec le conseil départemental, nous proposons des formations professionnelles à hauteur de 3000 euros à des artistes au RSA. Cela leur permet de compléter leur parcours, de rompre l’isolement, de leur remettre le pied à l’étrier. Cette précarité, encore plus virulente aujourd’hui, peut toucher des professionnels aguerris, célèbres dans leur milieu. Il s’agit de leur redonner confiance. » 
Née sur les cendres du Festival international du vidéo-clip et créée par une bande de réalisateurs-cadreurs-monteurs, LM Company se définit aussi comme un bureau d’accompagnement artistique qui offre conseils juridiques et administratifs.« On essaie d’éviter aux autres les problèmes qu’on a rencontrés nous-mêmes dans notre carrière », conclut Jean-Michel Sooprayen. 

97, rue des Orteaux - 75 020 Paris - (01 42 77 39 42)
lmcompany05@gmail.com  -  Site internet de Im company