Crise sociale et sanitaire
La relocalisation des toxicomanes : ville et habitants craquent
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Un bilan désastreux
Les semaines passent et les problèmes s’aggravent au square de La Villette, espace vert situé en bordure des Quatre-Chemins. Le 24 septembre, 150 toxicomanes – et leurs dealers – y étaient installés à l’initiative du ministre de l’Intérieur. Le bilan de cette opération, menée de façon précipitée et dans la plus grande opacité, se révèle aujourd’hui désastreux, tant sur le plan humain que sanitaire et sécuritaire. Fin octobre, un premier décès a ainsi été constaté, avec la mort par overdose d’une jeune femme polytoxicomane. De leur côté, les riverains se plaignent des nuisances qu’ils subissent au quotidien...
C’est que la gestion de la situation par l’État est catastrophique. Jean Castex, Premier ministre, considère qu’il revient à son ministre de l’Intérieur de gérer la crise qu’il a créée. Olivier Véran, ministre de la Santé, préfère quant à lui renvoyer la balle vers la mairie de Paris. De son côté, le préfet Didier Lallement a estimé, sur BFMTV, que cet état de fait était inhumain...
La justice saisie
« Il est du ressort exclusif de l’État, dans le cadre de l’hébergement d’urgence, de proposer aux toxicomanes une prise en charge sociale et médicale digne de ce nom », continue de s’indigner Bertrand Kern, maire de Pantin. C’est pourquoi il n’a eu de cesse, depuis deux mois, avec son homologue d’Aubervilliers, Karine Franclet, d’interpeller le Premier ministre, « seul à même de coordonner une prise en charge médicale et sociale des usagers de crack et de garantir la sécurité de l’espace public aux abords du square ». C’est aussi la raison qui a conduit les édiles à saisir la justice, mercredi 20 octobre, via une requête en référé-suspension (une procédure d’urgence) visant à faire annuler la décision préfectorale de déplacement des toxicomanes.
Une semaine plus tard, leur demande a été rejetée par le tribunal administratif de Paris au motif qu’il n’y avait pas d’« urgence caractérisée » à deux jours de la date d’expiration dudit arrêté, fixée au 30 octobre.
Mais la justice est toutefois allée dans le sens des deux villes, en prenant la peine de souligner que la conclusion rendue ne remet pas en cause « les troubles à l’ordre public subis par les habitants ». Dorénavant, elle doit se prononcer sur le bien-fondé juridique de la décision de déplacement.
Soignez-les, protégez-nous !
Pour l’heure, les nuisances et les problèmes de sécurité se multiplient aux abords du camp de fortune où les consommateurs de crack survivent comme ils le peuvent, dans le dénuement le plus absolu. « Les 27 000 riverains directs – ils existent, n’en déplaise à M. Darmanin ! – font depuis longtemps face à de nombreuses difficultés. Il est pour nous impensable d’y ajouter les toxicomanes, désormais très visibles et, qui, pour certains, souffrent manifestement de troubles psychiques », s’emporte Dominique Gamard, membre du collectif SOS Quatre-Chemins.
Après avoir battu le pavé chaque mercredi soir en septembre, octobre et début novembre, associations, habitants et élus restent mobilisés. Samedi 27 novembre, une nouvelle manifestation partait du métro Quatre-Chemins. Ce jour-là, le mot d’ordre restait inchangé : « Soignez-les ! Protégez-nous ! » Espérons qu’il sera cette fois entendu.