Culture et patrimoine

Retour sur les 1ères fouilles de l’église Saint-Germain

Courant mars, Erwan Bergot, archéologue à l’Institut national des recherches archéologiques préventives (Inrap), a dirigé des fouilles menées sous l’église Saint-Germain. Il revient sur cette campagne et nous en dit plus sur ses découvertes.
Article de Guillaume Gesret, publié dans Canal n°296, mai 2021.

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Canal: Pourquoi fouiller le sous-sol de l’église Saint-Germain?
Erwan Bergot :
L’édifice primitif pourrait dater du XIIe siècle et l’on sait qu’il a été démoli en grande partie, puis reconstruit, au XVIIe siècle. Ce passé justifie une attention particulière. D’autant plus que ce bâtiment religieux est situé le long d’une ancienne voie romaine, aux portes de Paris.

Comment se sont déroulées ces fouilles ?
E.B. :
Très bien ! En mars, le creusement dans les sous-sols de la partie sud de l’église et l’enlèvement d’ une dalle de 250 m2 qui recouvrait une sorte de cave ont permis de sonder sa terre dite « de cimetière » à l’aide d’un godet de curage. J’ai effectué ce travail seul, pendant trois semaines, dans des positions inconfortables puisque la hauteur sous plafond ne dépassait pas 1,40 mètre. En creusant jusqu’à 80 centimètres de profondeur, j’ai prélevé des ossements épars plutôt bien conservés, dont cinq crânes. In fine, cela représente l’équivalent de six caisses, soit le quart d’un mètre cube.

La découverte de ces ossements est-elle particulièrement intéressante ?
E.B. :
Ce sont les premières fouilles réalisées sous l’église. Les archives communales indiquaient bien qu’un cimetière s’y trouvait. Aujourd’hui, l’archéologie confirme cette information. À partir des prélèvements effectués, les archéoantropologues de l’Institut national des recherches archéologiques préventives (Inrap) vont être en mesure de préciser, par carbone 14, si les os datent du bas Moyen Âge ou du XVIIIe siècle. Ils détermineront également le nombre de personnes inhumées dans le périmètre. Mais, au-delà des ossements épars, la découverte la plus intéressante est celle d’un ossuaire que j’ai immédiatement photographié pour envoyer les clichés à un anthropologue funéraire. Le lendemain, il m’a rejoint sur place et m’a assisté dans le prélèvement. Ce dernier nous permettra très certainement de dévoiler de nouveaux pans de l’histoire de la commune.
Mettre au jour de tels vestiges est toujours un petit miracle qui justifie pleinement notre présence. À Pantin, comme dans toute la petite couronne parisienne, les sols ont beaucoup été remués aux XIXe et XXe siècles, et ce, sans fouilles archéologiques préalables. Il est donc rare de trouver des traces intactes.

Pouvez-vous nous en dire plus sur l’archéologie préventive ?
E.B. :
Les fouilles préventives sont prescrites en amont des projets d’aménagement par la préfecture et la Direction régionale des affaires culturelles (Drac) afin de sauvegarder par l’étude le patrimoine archéologique. À Pantin, c’est la ville qui finance cette opération dans le cadre de la restauration de l’église. Les équipes en charge des travaux ont bien compris la démarche de l’Inrap. Les ouvriers savent que ma présence répond à une obligation légale, qu’elle s’inscrit dans un calendrier précis. Je n’ai pas été perçu comme celui qui bloque le chantier. Mon travail a donc été respecté.

Mais les fouilles ne sont pas terminées. Une seconde opération est prévue dans les prochains mois…
E.B. :
Tout à fait. La première phase portait sur le sous-sol de la chapelle des jeunes. L’an prochain, je m’attaquerai à celui de l’église elle-même. Nous pouvons nous attendre à des découvertes intéressantes puisque l’on sait que les plus belles tombes se situent près du chœur. Je précise qu’il est rare de trouver des objets au côté des défunts, mais il m’est arrivé de mettre au jour un petit coussin sous un crâne. Après la recherche et l’analyse, nous valoriserons nos résultats. D’ailleurs, j’ai déjà été sollicité pour donner une conférence dans le but d’informer le grand public. J’espère la tenir dans les prochains mois, avant la diffusion du rapport définitif qui nécessitera deux années d’études.
 

  • Secrets de chantier : une vidéo sur la rénovation de l’église Saint-Germain à découvrir sur pantin.fr.

L’Inrap chez lui à Pantin
L’Institut national des recherches archéologiques préventives (Inrap) est un établissement public né en 2002 suite à des scandales liés à des destructions de sites archéologiques. C’est donc pour protéger le patrimoine en amont des projets d’aménagement que cette institution a été créée. Si le siège national a son adresse à Paris, la direction interrégionale Centre et Île-de-France est installée au 41, rue Delizy et regroupe 24 employés administratifs. Juste en face, le centre de recherches archéologiques réunit une soixantaine d’archéologues et de spécialistes (archéoanthropologues, céramologues, archéozoologues, spécialistes du fer, lithiciens spécialisés dans l’étude des outils en pierre, géologues, micromorphologues…) en charge des fouilles préventives en région parisienne.