Culture et patrimoine
Un spectacle qui combat les clichés sur la vieillesse des femmes
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À l’aube des années 2000, un jeune acrobate, étudiant au Centre national des arts du cirque, Alexandre Fray, s’interroge : qu’est-ce que le cirque ? Qu’est-ce que le risque ? Est-il le même que l’on soit dans la fleur de l’âge ou que l’on ait quatre fois vingt ans ? Lorsque nos articulations rouillent, que nos muscles fondent, se tenir sur un pied ne relève-t-il pas de la prouesse ? Alors, dans les recoins de son jardin secret, l’artiste se prend à rêver de portés acrobatiques avec… sa grand-mère.
Question de charges
Entre-temps, il fonde, avec un complice, Un Loup pour l’homme, une compagnie qui, loin du spectaculaire et des paillettes, sonde avec tendresse, à travers la pratique du main à main, les enjeux des relations humaines, au fil de poétiques spectacles. Et toujours, il cultive avec soin cette folle idée de pratiquer son art avec des vieilles dames...
L’idée se concrétise en 2012 grâce à sa collaboration avec Cathy Blisson, dramaturge et co-autrice du projet. « Au gré de résidences en maisons de retraite, de rencontres, d’échanges, d’exercices et de tâtonnements avec des vieilles dames, nous avons enfin trouvé notre axe et décidé de questionner la notion de porté, explique-t-elle. Que signifie prendre en charge des personnes qui ont parfois supporté de lourds fardeaux et qui ont énormément pris soin de leur mari, de leurs enfants et petits-enfants ? Pour moi, il n’est pas anodin que ce projet se concentre sur des femmes. Ce sont elles qui donnent la vie et éprouvent davantage le poids des charges mentales. Dans ce spectacle, il est question d’équilibre, de contrepoids, de confiance, mais aussi de réciprocité. »
Accomplir des miracles
Le spectacle, intitulé Projet grand-mère ou « J’aurai toujours des rêves maman », suit trois étapes – voir, entendre, toucher – qui auscultent le rapport au corps vieillissant et racontent des itinéraires de vieilles dames jusqu’à la dernière partie dans laquelle elles se livrent à de folles acrobaties. « Les participantes sont souvent les premières étonnées de ce qu’elles sont encore capables de faire, explique Cathy Blisson. Sur le plateau, elles s’expriment par le corps et la parole pour réciter leurs petits miracles accomplis. Ainsi, on découvre, sous ces corps fragilisés, relégués déjà dans l’oubli, des destins extraordinaires. Telle femme a, par exemple, survolé le Mont Saint-Michel en ULM ; telle autre a appris le russe ou la philo à 70 ans. À 82 ans, l’une d’elles se met même debout sur les épaules du porteur. De la sorte, nous parvenons à sortir des clichés. Car, au-delà de l’expérience, notre propos est de mettre en lumière ces femmes que la société ne regarde plus beaucoup alors qu’elles sont formidablement belles, intéressantes et courageuses ! »
Informations pratiques :
- Projet Grand-Mère ou « J’aurai toujours des rêves, maman »
- Vendredi 24 mars à 20.00, théâtre du Fil de l’eau, 20, rue Delizy
- Réservation par téléphone au 01 49 15 41 70 ou sur le site internet de la ville