Développement durable
Réemploi : des chantiers de plus en plus vertueux
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En ville, les charmes du réemploi
Conformément aux engagements pris avec son deuxième Plan climat-air-énergie territorial (PCAET), adopté fin 2022, la ville renforce la réutilisation de matériaux existants dans tous ses projets d’aménagement. « Les contrats que nous passons avec les constructeurs incluent des clauses imposant l’usage d’un pourcentage de matériaux issus des filières de réemploi », explique Carole Bourgeois, responsable de la mission Grand Quatre-Chemins à la mairie.
Elles s’appliquent, par exemple, au programme immobilier Les Pierres sauvages, en cours de construction avenue Édouard-Vaillant, et aux opérations de démolition-reconstruction qui sont pilotées par la Société de requalification des quartiers anciens (Soreqa) aux Quatre-Chemins. Les tuiles couvrant l’entrepôt du 94, avenue Jean-Jaurès, démoli mi-2025, seront, de la sorte, réemployées pour l’édification d’un bâtiment à Paris.
Revaloriser à tout va
De son côté, Est Ensemble projette de créer une plateforme de stockage de matériaux de réemploi, laquelle devrait alimenter nombre de chantiers. « L’un des principaux freins au développement de cette pratique est lié à l’absence d’un entrepôt local, souligne Carole Bourgeois. Une autre difficulté tient aux promoteurs qui se plaignent des surcoûts induits par l’utilisation de matériaux souvent moins standards que leurs équivalents neufs. »
Le constat est le même pour Damien Villeneuve, directeur des opérations de la Semip, société d’économie mixte d’aménagement dont la ville est actionnaire, et de la société publique locale SPL Ensemble. « Sur la ZAC des Grands-Moulins, la Semip a souhaité réutiliser des briques récupérées, détaille-t-il. Mais cette démarche de bon sens n’a pas été si simple : il nous a fallu faire appel à un bureau de contrôle qui vérifie la qualité structurelle de ces matériaux et cela a un coût. »
Écologique et esthétique
Dans le cadre des opérations de démolition-reconstruction, comme celles en cours pour l’édification du futur écoquartier, la SPL Ensemble – signataire, comme la ville, d’une charte territoriale en faveur de l’économie circulaire – fait aussi appel à des spécialistes du curage et de la déconstruction sélective.
« Là encore, une démolition soignée coûte plus cher qu’une démolition brute », souligne Damien Villeneuve qui table sur la récupération à venir d’au moins 100 000 mètres carrés de « pavés béton » dans l’écoquartier. « Ils seront en grande partie réinjectés dans des fondations ou concassés afin de construire des voies », précise-t-il.
Outre les bienfaits environnementaux de cette pratique, les vertus sont aussi esthétiques et patrimoniales.
Place de la Pointe, ce sont en effet des pavés récupérés, puis sciés en deux, qui ont permis de donner corps à cet espace public très apprécié. Quant à la cour de l’hôtel de ville réhabilitée fin 2021, elle arbore des pavés datant de l’époque napoléonienne.
Ici, on redresse les potelets !
Vous avez sans doute déjà repéré, lors de vos déplacements, des potelets anti-stationnement tordus ou endommagés ? Et bien sachez que leur remplacement n’est plus la seule solution !
► Aujourd’hui, la ville s’efforce de les réparer. « Dans la majorité des cas, ils peuvent être redressés et remis en place », souligne Patrice Boirard, responsable de la régie municipale de la voirie.
► En moyenne, chaque exemplaire peut ainsi être remis en état cinq à six fois avant d’être démonté et remplacé.
► Dans de rares cas, par exemple lorsque le poteau est fendu à la base ou rouillé, les agents n’ont pas d’autre choix que de le remplacer.
Collecter les déchets de chantier
Lorsqu’il crée en 2017 Les Ripeurs, société spécialisée dans la récupération en masse des déchets de chantier (lesquels peuvent ainsi être facilement réutilisés et revalorisés), Romain Icol, ingénieur trentenaire à la fibre humaniste, avait une idée précise en tête : : « Mon souhait était de proposer aux artisans et aux entrepreneurs du BTP un nouveau service de tri et de collecte des déchets de chantier, précise-t-il entre deux rendez-vous. Il n’existait pas d’entreprise spécialisée et beaucoup d’artisans utilisaient, pour cette tâche, de la main d’œuvre payée de façon informelle. Certains préféraient aussi abandonner leurs déchets sur l’espace public, créant ainsi des décharges sauvages, plutôt que de payer pour les déposer dans les déchetteries destinées aux professionnels. »
Trier pour revaloriser
« Notre grille de prix est incitative, indique le président et fondateur des Ripeurs qui se sont installés au sein du centre d’activités de l’Ourcq. Pour des déchets mélangés, les déchèteries professionnelles facturent en moyenne 200 euros la tonne aux entrepreneurs. En massifiant les flux, nous avons, quant à nous, négocié des tarifs de gros pour tous les types de déchets. »
Cette activité fondée sur le tri permet à l’entreprise de 30 salariés de dégager une marge et de payer décemment la quinzaine de « ripeurs », autrement dit des collecteurs, qui sillonnent quotidiennement les rues de Paris, Lyon et Marseille. Surtout, la société peut tenir sa promesse d’un impact environnemental positif, les déchets qu’elle collecte étant, pour l’essentiel, réexpédiés vers des filières de recyclage ou de réemploi.
En plus de cette activité, la société propose un service de location, de pose et de retrait de bennes aux particuliers et aux professionnels. Les déchets ainsi récupérés sont, là encore, triés, puis expédiés vers des filières de recyclage ou de réemploi.
et aussi : avec akta, rien ne se perd, tout se transforme
Neuf ans : c’est la durée de vie moyenne des bureaux à Paris avant une lourde réhabilitation.
- Une durée « obligatoire pour conserver le même niveau de standing », selon Benjamin Perot. Ce jeune ingénieur a fondé, en juin dernier, la société Akta, un nom inspiré du verbe latin qui signifie « agir ». Après dix ans passés dans une société de travaux, il ne se voyait plus « tout casser pour refaire à neuf » et ne supportait plus le gâchis de matériaux.
- Son objectif ? « Proposer aux grandes entreprises du bâtiment des solutions de réhabilitation en réemploi. »
- Premier contrat de sa toute jeune société installée depuis fin juillet aux Ateliers Diderot : récupérer des brise-soleils de métal utilisés pendant dix ans pour ombrager la façade d’un immeuble de bureaux et les transformer en étagères qui reviendront meubler lesdits bureaux.
Retrouvez les autres articles du dossier « Tout roule pour l’économie circulaire », réalisé par Catherine Portaluppi, Frédéric Fuzier, Christophe Dutheil et Guillaume Gesret, publié dans Canal n°331, novembre 2024
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