Citoyenneté
Qui sont les Pantinois ?
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Alors que l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) vient de mettre à jour ses données concernant Pantin, zoom sur les évolutions démographiques et sociologiques de la ville.
Pour l’occasion, Olivier Léon, directeur régional adjoint de l’Insee Île-de-France, livre son analyse des faits les plus saillants.
Quant aux Pantinois, leurs témoignages viennent illustrer les données statistiques présentées au fil des pages de ce dossier.
Dossier réalisé par Christophe Dutheil et Hana Levy, publié dans Canal n°284, décembre 2019.
Canal : Que retenir des évolutions de la population pantinoise ?
Olivier Léon : Pantin, comme toutes les communes proches du métro, gagne en attractivité. Les chiffres publiés récemment montrent que la croissance démographique, conditionnée par la proximité des infrastructures de transport et par la construction de logements, demeure particulièrement forte dans la petite couronne, en particulier dans les communes situées à l’est de Paris. C’est le cas de Pantin, où la croissance de la population se situe dans la moyenne haute de celle des communes de Seine-Saint-Denis.
Plus de 40 % des habitants ont moins de 29 ans. Pantin est donc une ville jeune…
O.L. : Oui, mais cette donnée est comparable à celle de la Seine-Saint-Denis qui est le département le plus jeune de France métropolitaine. Cette jeunesse explique également la forte croissance de la population pantinoise. La ville est en effet passée de 53 797 habitants en 2011 à 55 342 en 2016. Et, qui dit population jeune, dit de nombreux enfants et assez peu de décès.
Mais alors, pourquoi les effectifs scolairesbaissent-ils ?
O.L. : Après un pic de natalité entre 2000 et 2015, on assiste à une forte diminution depuis 2015, laquelle commence à être perceptible dans les écoles maternelles. Progressivement, cette baisse devrait donc s’étendre aux écoles élémentaires, aux collèges et aux lycées. Pantin ne fait donc pas exception, même si cette diminution semble plus mitigée que dans d’autres communes du pays.
Les seniors sont également plus nombreux et la part de population âgée de 30 à 44 ans augmente. Comment expliquez-vous ces phénomènes ?
O.L. : L’évolution du nombre de personnes âgées est liée à un phénomène qui traverse toute la population française. Les générations issues du baby-boom, c’est-à-dire les personnes nées entre 1945 et 1975, atteignent aujourd’hui des âges élevés et font mécaniquement vieillir la population.
Quant à la part des 30 à 44 ans, elle est effectivement passée de 23,9 % en 2011 à 25,7 % en 2016. Cette hausse s’explique par l’installation de populations nouvelles.
Au sujet de ces nouveaux habitants, les médias évoquent souvent une gentrification de certains quartiers de la commune. Qu’en est-il réellement ?
O.L. : La réalité est bien plus complexe, comme dans d’autres communes limitrophes de Paris. À Pantin, on constate l’arrivée d’une population plus jeune et plus diplômée. Mais c’est un phénomène assez lent qui n’est pas de nature à bouleverser du jour au lendemain les équilibres sociaux. Aujourd’hui, la population historique, qui peut dans certains cas être en butte à des difficultés sociales, reste très majoritaire.
Pourtant, le nombre de cadres augmente…
O.L : Oui. En 2016, les cadres représentaient 13,7 % de la population pantinoise. En 2011, ils étaient 10,4 %. Cette augmentation reste donc assez faible et la part des cadres est, à Pantin, bien inférieure à la moyenne régionale, qui se situe autour de 30 %.
Pour autant, le déménagement vers la petite couronne des entreprises de bureaux, historiquement localisées dans Paris, a permis d’enclencher un mécanisme de croissance, tant pour la population que pour l’emploi : plus il y a d’habitants et de salariés, plus se développe l’économie résidentielle qui vise à répondre aux besoins de ces personnes.
Pantin semble également connaître une forte hausse en matière de créations d’entreprise...
O.L. : C’est exact : le nombre de créations d’entreprise a doublé depuis 2013. Cela s’explique par le regain de santé de l’économie en général, surtout sur ces deux dernières années. Et il s’agit, d’autre part, d’un artefact lié aux auto-entreprises : de nombreuses sociétés sont créées par des auto-entrepreneurs qui sont plus nombreux, notamment dans les services liés au transport (VTC, livraison, etc.).
RECENSEMENT 2020
À partir du 16 janvier et jusqu’au 22 février, une équipe de 11 agents recenseurs, des employés communaux formés par l’Insee, sillonnera la ville afin de recenser les foyers retenus. Munis d’une carte officielle, ces agents transmettront aux habitants équipés d’un ordinateur et d’une connexion internet des identifiants et une notice leur permettant de répondre en ligne à un questionnaire. Les autres se verront remettre un formulaire papier à rendre quelques jours plus tard à l’agent recenseur qui repassera à leur domicile.
À noter que la participation au recensement – strictement confidentielle – est obligatoire.
Anciens et nouveaux pantinois : une cohabitation heureuse ?
Près des deux tiers des habitants de la commune y ont élu domicile depuis plus de quatre ans. Parmi eux, Ferroudja et Madjid Rouas, qui dirigent le bar-restaurant Le Courtois, vivent et travaillent à Pantin depuis 30 ans. De leur côté, Raphaëlle de Goussencourt, juriste chez Amnesty International, et Igor Strauss, journaliste à RFI, sont Pantinois depuis septembre. Deux familles, quatre points de vue sur la ville.
Canal : Pourquoi vous êtes-vous installés à Pantin ?
Raphaëlle et Igor : Nous nous sommes installés ici pour nous agrandir après avoir eu de très bons échos de collègues et d’amis vivant à Pantin. Ce qui nous a aidés à sauter le pas ? La proximité avec Paris, la bonne réputation des écoles pour nos enfants de 11 et 8 ans et la vie autour du canal.
Madjid : Je me suis installé ici en 1989 car j’ai acheté mon premier bar-restaurant rue Jules-Auffret. Depuis, je ne suis jamais reparti ! Ma femme m’a rejoint lorsque nous avons investi dans un autre établissement à la clientèle fidèle, rue Courtois.
Pour vous, quels sont les atouts de la ville ?
R. et I. : Notre plaisir ? Siroter un verre au Dock B pendant que notre fils est au skate park… le bonheur ! C’est une ville très agréable à vivre malgré quelques grandes avenues à la circulation dense.
Ferroudja : Nous résidons juste au-dessus du restaurant et toute ma famille habite les rues alentour. C’est confortable et nos filles sont très entourées. Nous connaissons tout le monde ici, notre clientèle est familiale. Nos trois filles, dont une est à l’université, l’autre au lycée Lucie-Aubrac et la troisième au collège Lavoisier, ont pu pratiquer un tas d’activités et partir aux sports d’hiver avec la ville, ce qu’elles n’auraient pas pu faire autrement. Nous n’avons pas le temps de profiter de la vie culturelle, mais nous allons régulièrement sur le canal pour assister aux animations gratuites.
Qu’attendez-vous de Pantin dans les prochaines années ?
R. et I. : BETC, Dock B et, l’été, la guinguette des Grandes Serres ont été déterminants dans notre décision de venir ici. L’ouverture prochaine du plus grand quartier culturel d’Europe et d’un village commercial à 5 minutes de chez nous, également. Nous attendons aussi beaucoup du quartier autour du futur port, ses commerces de bouche surtout. Investir ici est un pari sur l’avenir. Pantin est tellement pleine de promesses.
M. : Depuis peu, on voit arriver de nouveaux Pantinois qui poussent la porte de notre restaurant, c’est bon pour le commerce !
Des familles plurielles
Nombreuses, monoparentales, avec des tout-petits ou des adolescents... À Pantin, toutes les familles se croisent. Trois d’entre elles évoquent leur vie quotidienne.
Siev Kheng Chhun, vit aux Courtillières avec ses 5 enfants.
Quand, il y a 4 ans, Siev Kheng, ancienne habitante des Quatre-Chemins, pose ses valises aux Courtillières, elle trouve le quartier très calme. Parfait pour voir grandir ses enfants. Depuis, le plus vaste parc de la ville y a été inauguré : « C’est très pratique quand on est parent. Les enfants peuvent profiter de la plus grande structure de grimpe d’Europe. » Si elle regrette le manque de commerces, la jeune femme apprécie la solidarité et la bonne ambiance qui règne dans ce coin de Pantin. Habituée de la maison de quartier, elle fait régulièrement profiter sa famille des sorties proposées par la structure. « Dernièrement, nous sommes allés aux champignons dans la forêt de Montmorency et, l’été dernier, nous sommes partis sur l’île d’Oléron. Nous logions en camping sur le terrain de la ville et le tarif était calculé en fonction du quotient familial. Les enfants étaient ravis. De mon côté, ces vacances m’ont permis de rencontrer d’autres Pantinois. » Aujourd’hui, elle attend l’ouverture du nouveau centre culturel : « La bibliothèque est un peu à l’étroit. Ce nouvel équipement va faire du bien au quartier. »
Sonia, secrétaire médicale, et Vincent Parnière, responsable d’un magasin de téléphonie, parents de trois enfants.
« Nous étions à l’étroit dans notre appartement du 19e arrondissement. Pour le pur Parisien que j’étais, l’idée de traverser le périphérique était hors de question ! Mais, pour le même prix, on pouvait doubler la surface de notre logement. Alors, on n’a pas hésité »,explique Vincent. « Il nous a fallu un temps d’adaptation : nous trouvions que le quartier manquait de commerçants et de squares par exemple », complète Sonia. Très vite, le nombre d’activités sportives et culturelles proposées à leurs enfants ont eu raison de leurs dernières réticences. Aujourd’hui, le couple est tout simplement conquis par le côté « village » du quartier de l’Église.
Samantha Heon, assistante médicale, élève seule ses deux filles.
Samantha vit à Pantin depuis 1987. Elle élit d’abord domicile aux Quatre-Chemins puis rue Méhul, dans un petit appartement qu’elle achète en 2006, avec son mari. Elle divorce en 2010. Ses filles font leur scolarité dans les établissements publics de la ville jusqu’au lycée. « Même seule, sans moyens, j’ai pu les élever tranquillement. Grâce au système de quotient familial, elles ont pu partir en vacances. Elles ont également profité de la vie culturelle locale, très accessible financièrement. C’est pour ça que je suis attachée à Pantin. Je ne me vois pas vivre ailleurs, j’y ai tous mes repères. »
Les salariés, des Pantinois comme les autres
Elles sont salariée d’une entreprise de luxe, commerçante ou en insertion professionnelle. Leur point commun ? Elles font toutes trois partie des 28 747 personnes qui travaillent
à Pantin.
Zineb Bouderka travaille dans une enseigne de luxe de la ville.
Je travaille à Pantin depuis 4 ans. J’y ai même acheté un appartement, devenu trop petit depuis la naissance de mon fils. Je ne connaissais pas la ville, ça a été une bonne surprise : l’ambiance y est familiale et cosmopolite. Très accessible en transports en commun, je suis au travail en 10 minutes à pied depuis la gare RER. J’aime marcher au bord du canal : c’est comme un sas de décompression, un bol d’air. Au début, je déplorais le manque de restaurants. Mais ça a changé de manière spectaculaire. Je suis très fière d’habiter et de travailler en Seine-Saint-Denis, car je suis très attachée à sa mixité.
Martine Lucas, fleuriste sur les marchés de Pantin depuis 35 ans.
J’ai commencé à travailler en février 1985 à Pantin. Cela fait donc 35 ans, presque trois générations d’une clientèle fidèle, quelle chance ! Qu’il pleuve ou qu’il neige, six jours sur sept, je me lève à 4.00 du matin pour aller à Rungis. J’ai commencé à travailler à 15 ans alors, aujourd’hui, je prends ma retraite. Je ne connais que Pantin comme lieu de travail : j’aime ses marchés et l’ambiance qui y règne.
Nadège Bruno est serveuse au restaurant d’insertion Le Relais.
J’ai effectué ma formation de CAP restauration en alternance au Relais. Et j’y suis restée comme serveuse ! Si je lui ai fait quelques infidélités pour aller voir ailleurs, je reviens toujours ici. J’adore l’ambiance entre collègues et les clients fidèles qui ne veulent être servis que par moi. Bien que Pantin soit difficile d’accès depuis Saint-Denis où j’habite – je rentre à 1.00 du matin lorsque je termine à minuit –, j’apprécie tout de même d’y travailler. Je trouve la ville plus aérée que d’autres et la proximité du canal est reposante, même si j’ai peu de temps pour en profiter.
Une population à la fibre entrepreneuriale
En l’espace de six ans, le nombre de créations d’entreprise a doublé à Pantin. Vianney Prouvost a fondé, pour sa part, CRI logistique en 2016. Aujourd’hui, son entreprise d’insertion emploie une quarantaine de salariés, dont huit Pantinois
Autrefois, ils étaient chômeurs de longue durée, jeunes décrocheurs ou seniors faiblement qualifiés. Aujourd’hui, ils sont livreurs, caristes, magasiniers, préparateurs de commande, agents d’accueil ou chauffeurs pour le compte de CRI logistique. Filiale économique de la Croix Rouge française mais entreprise autonome, CRI logistique a été fondée en 2016 par Vianney Prouvost afin de favoriser le retour à l’emploi d’une quarantaine de salariés qui s’en étaient éloignés.
Le dirigeant n’en est pas à son galop d’essai entrepreneurial. Après avoir travaillé dans l’humanitaire comme logisticien, il fonde sa société de prise de vue aérienne à Pantin en 2003, avant de devenir photographe puis responsable logistique à la Croix Rouge. Monter son entreprise d’insertion dans sa ville – il est Pantinois depuis 2003 – lui tenait à cœur. « Nous travaillons sur les freins au retour à l’emploi avant de donner à nos salariés 24 mois pour se réinsérer », précise-t-il.
Installée sur le site de Pantin Logistique, l’entreprise devrait passer de 3000 à 6000 m2 en décembre. « Nous espérons doubler le nombre de nos salariés » , conclut Vianney Prouvost.