Les vide-greniers sont l’expression la plus conviviale de l’économie circulaire. En octobre, trois rendez-vous de ce type ont eu lieu à Pantin.©Ville de Pantin

Développement durable

Tout roule pour l’économie circulaire

En 2024, l’ensemble des ressources renouvelables que la terre est capable de générer annuellement avait été consommé dès le 1er août. Pour lutter contre cette surexploitation, l’économie circulaire, particulièrement dynamique à Pantin, se révèle indispensable. Tour d’horizon à l’occasion du Festival des alternatives et de la Semaine européenne de réduction des déchets.

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    À l’entrée de ce gigantesque entrepôt de 13 000 mètres carrés, on est accueilli par une dizaine de balles de déchets – canettes, papiers, plastiques… – collectés et triés par Lemon tri. À côté, s’entassent des sacs de plâtre, bois, métal, lino ou gravats récupérés sur des chantiers par Tri’n’Collect. Il y a également là Weeedoit, spécialiste de la récupération des déchets informatiques ; Carton plein qui, comme son nom l’indique, prend en charge les cartons ; Les Valoristes, lesquels travaillent le bois recyclé ; l’atelier Cala qui le transforme en décor ou en mobilier, et, enfin, Névé, société de nettoyage écoresponsable.

    Bienvenue à Cartier circulaire ! Inauguré en juin rue Cartier-Bresson, ce n’est rien de moins qu’une plateforme XXL de transformation, de recyclage et de réemploi des matériaux.

    UNE VOLONTÉ POLITIQUE

    « L’objectif de l’économie circulaire est de sortir du processus linéaire “On extrait, on produit, on vend, on consomme, on jette”, explique Emmanuelle Ledoux, directrice générale de l’Institut national de l’économie circulaire. Elle repose notamment, en France, sur la responsabilité élargie du producteur qui doit prendre en charge la fin de vie des objets qu’il conçoit. La loi AGEC (Anti gaspillage pour une économie circulaire) a augmenté le nombre de filières concernées et promeut le réemploi et le recyclage des déchets, la réparation de l’électroménager ou celle des chaussures. Au-delà de la conviction, très partagée, qu’on ne peut pas continuer à gaspiller les ressources, il s’agit d’un changement total de modèle. Si les industriels ont un grand rôle à jouer, certaines collectivités sont également très actives sur le tri, la valorisation des déchets ou la mise à disposition de locaux. » 

    Augustin Jaclin, cofondateur de Lemon tri, acquiesce : « Les espaces pour les activités comme les nôtres sont rares en première couronne car le mètre carré est cher. À Pantin, on sent une vraie volonté politique de soutenir l’économie sociale et solidaire (ESS) et les activités circulaires. »

      La ville héberge en effet de nombreux acteurs spécialisés dans la vente d’articles de seconde main à l’image d’Emmaüs Coup de main ou de Biicou qui propose des équipements de puériculture d’occasion. Aux Ateliers Diderot, on trouve des champions de l’upcyling, dont certains misent sur l’innovation, tels les Matériaux urbains qui transforment les déchets organiques en mobilier.
      Au centre d’activités de l’Ourcq, les créations à base de résidus de la production du lait de La Compagnie française des boutons s’arrachent, tandis que Les Ripeurs collectent des tonnes de déchets émanant de chantiers afin de les réemployer. De son côté, la Cyclofficine a redonné vie, en 2024, à 1 400 vélos et Les Alchimistes récupèrent, pour leur part, des couches usagées pour les transformer en compost. Enfin, Sinny&Ooko, à la tête de la Cité fertile, prévoit d’investir, fin 2025, la halle Magenta où elle organisera régulièrement des marchés de produits d’occasion.

      des créations d'emplois

      Cette économie qui, en France, permet un taux de 19,8 % d’utilisation circulaire des matériaux, contre 7,2 % dans le monde, a aussi pour vertu de favoriser la création d’emplois non délocalisables. « Dès lors qu’on décide de reconditionner, réparer, upcycler, cela se passe forcément près de chez nous. Cela peut coûter plus cher dans l’immédiat, mais il faut réintégrer tous les bénéfices associés sur le plan social et écologique », détaille Emmanuelle Ledoux.

      De fait, de nombreuses associations ou entreprises de gestion des déchets, comme Lemon tri,EmmaüsCoup de main ou Carton plein, embauchent des personnes en insertion, parfois très éloignées de l’emploi.

      Autre avancée de la loi AGEC : la collecte, désormais obligatoire, des déchets alimentaires des ménages. Est Ensemble récupérait déjà, à Pantin, ceux des cantines scolaires, des marchés forains et de certains commerces, soit 220 tonnes ramassées de février à août 2024.

      Cette année, le territoire a en outre installé 51 bornes au sein desquelles 45 tonnes de détritus organiques ont été récoltées. Transformé par méthanisation en biogaz en Seine-et-Marne et dans l’Aube, le tout devient chauffage, carburant ou électricité.

      LA RÉSERVE DES ARTS A DÉMÉNAGÉ

      Malgré les propositions de nouveaux locaux effectuées par la ville, l’association de réemploi de matériaux a quitté Pantin fin août pour s’installer à Montreuil.

      ► Pour l’instant, sa nouvelle adresse est tenue secrète, le temps d’aménager son entrepôt. Depuis quelques mois, l’équipe de la Réserve des arts réinstalle les immenses volumes de bois, cuirs, plastiques ou métaux qu’elle collecte auprès d’acteurs culturels. 
      ► Installée rue Cartier-Bresson en 2011, puis sur la ZAC de l’écoquartier en 2019, la Réserve des arts, qui remet en circulation 600 tonnes de matériaux par an, cherchait à investir un lieu pérenne pouvant accueillir du public.
      ► En attendant sa réouverture prévue cet hiver, vous pouvez d’ores et déjà prendre rendez-vous, en priorité pour des demandes de gros volumes et pour des projets spécifiques.  Pour prendre rendez-vous : contact@lareservedesarts.org

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      Agenda 

      • À l’occasion du Festival des alternatives, découvrez, durant tout le mois de novembre, de nombreux acteurs de l’économie circulaire.
      • Dans le cadre de la Semaine européenne de réduction des déchets, Est Ensemble organise un Village zéro déchet, samedi 16 novembre, de 10.00 à 13.00 et de 14.00 à 17.30 à la bibliothèque Elsa-Triolet. Le même jour, de 10.00 à 13.30, une animation compostage est prévue au parc Stalingrad. 
      • Portes ouvertes mercredi 20 novembre à 14.00 chez Lemon tri et Les Valoristes. Au programme : visite de l’entrepôt et atelier Do It Yourself. Inscriptions : exploreparis.com

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      3 QUESTIONS À…

      Salim Didane, adjoint au maire en charge du Développement territorial, de l’Emploi, de la Formation et de l’Économie sociale et solidaire

      Canal : Quel bilan tirez-vous des actions entreprises à Pantin pour développer l’économie circulaire ?

      Salim Didane : Certains des acteurs historiques de l’économie circulaire, comme Emmaüs Coup de main, sont implantés à Pantin depuis longtemps. C’est une fierté du mandat d’avoir pu garder et contribuer à développer, sur notre territoire, des activités emblématiques de ce secteur avec, par exemple, l’arrivée, rue Cartier-Bresson, des Valoristes et de Carton plein au côté de Lemon tri. La ville les a aidés à obtenir un loyer soutenable et compatible avec leurs activités. C’est également à Pantin que la Cyclofficine, l’un des premiers ateliers d’autoréparation de vélos en Île-de-France, s’est installée. Par ailleurs, depuis le début de l’année, de nombreuses entreprises travaillent sur le réemploi et le recyclage aux Ateliers Diderot.

      En quoi l’économie circulaire est-elle précieuse pour la ville ?

      S.D. : D’abord, elle est très vertueuse pour l’environnement puisqu’elle contribue à réduire les émissions de gaz à effet de serre en prolongeant le cycle de vie des objets, mais aussi en utilisant les déchets comme ressource. C’est aussi une économie à vocation humaine. Elle permet en effet de remettre en situation d’emploi des personnes qui en sont parfois très éloignées. L’économie circulaire, avec la restauration et le bâtiment, trois secteurs très importants pour l’insertion, sont particulièrement développés à Pantin.

      Comment la ville peut-elle aller plus loin dans le développement de l’économie circulaire ?

      S.D. : Les pistes sont nombreuses. Nous pourrions récupérer, sur les marchés, le bois des cagettes afin de l’utiliser comme paillage. Cela compléterait les résidus du brassage de la bière et le marc de café déjà collectés par le pôle Espaces verts de la ville pour protéger et nourrir les sols. Nous pouvons également agir sur la collecte de déchets multiformes (plastique, métal, huile...) en associant davantage les commerçants de la ville grâce à l’installation de machines de consigne sur le territoire. Nous pourrions aussi sensibiliser davantage à la sobriété et à la réparation, en particulier via la commande publique comme cela a été le cas avec les trousses produites en bâches recyclées par l’entreprise à but d’emploi PAM !. D’ailleurs, les délibérations en conseil municipal sont dorénavant accompagnées d’une estimation du coût carbone de chaque action.

      Enfin, le prix du foncier étant l’un des principaux freins à l’installation de ces activités en première couronne, nous devrons impérativement flécher, dans les futurs projets d’aménagement, des mètres carrés à prix moindre réservés à cette économie.

      Retrouvez les autres articles du dossier « Tout roule pour l’économie circulaire », réalisé par Catherine Portaluppi, Frédéric Fuzier, Christophe Dutheil et Guillaume Gesret, publié dans Canal n°331, novembre 2024

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