Tranquillité publique
Cigarettes de contrefaçon : mobilisation générale
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Un problème qui touche l'ensemble de la Seine-Saint-Denis
Qu’on se le dise : les « Marlboro Bled », souvent proposées à ceux qui fréquentent les transports en commun, ne sont pas une exception pantinoise. « Le problème s’est répandu dans toutes les villes de Seine-Saint-Denis », affirme Ingrid Chemith, nommée commissaire de Pantin en mars dernier. Il touche de fait toutes les grandes agglomérations françaises, si l’on en croit les derniers chiffres communiqués par la Direction générale des douanes et droits indirects (DGDDI). En 2021, les saisies de cigarettes opérées par les services douaniers se sont en effet envolées de 41,3 % dans l’Hexagone, pour atteindre 402,1 tonnes, avec une moyenne de « plus de 50 constatations par jour, soit 18 284 sur l’année », précise-t-on du côté de la DGDDI. On peut, par exemple, citer la saisie de 522 000 cigarettes contrefaites au Blanc-Mesnil en novembre 2021 ou, quatre mois plus tôt, celle de 25 000 paquets à La Courneuve.
De multiples raisons expliquent ce phénomène. La première tient à l’attractivité de la contrebande de tabac pour les organisations criminelles, souvent transfrontalières et dotées d’importants moyens financiers et logistiques. Ce marché est en effet lucratif et les risques judiciaires sont assez faibles, « comparés à ceux encourus pour le trafic de produits stupéfiants », analyse la douane. La seconde tient à une forte demande et à l’arrivée « de nouvelles populations de consommateurs », compte tenu de la hausse régulière des prix des paquets licites.
Réseaux criminels organisés
Les réseaux à la tête de ce trafic sont bien organisés : un certain nombre d’entre eux s’attaque, comme de vraies entreprises, à toute la chaîne de valeur du tabac, depuis la production jusqu’à la distribution, en passant par le stockage et le transport. Fait nouveau – et préoccupant –, un premier atelier de fabrication de cigarettes de contrefaçon a été démantelé en Seine-et-Marne l’an dernier, alors que la présence de ce type d’usines était jusqu’ici essentiellement concentrée dans des pays limitrophes.
Outre le manque à gagner pour l’État, via une perte de recettes fiscales de l’ordre de 3 milliards d’euros par an, la professionnalisation de ces filières engendre de nombreux problèmes de sécurité publique. Elle entraîne en effet une hausse de la violence, voire des « guerres de territoires » entre réseaux. Au niveau local, Bertrand Kern, le maire, déplore « un commerce qui nuit à la tranquillité de l’espace public, génère des bagarres entre vendeurs et importune les riverains et commerçants, notamment aux Quatre-Chemins et à Hoche ». Pour y faire face, et à défaut de pouvoir agir au niveau des réseaux nationaux, le maire explique : « Je fais tout mon possible pour mettre en échec les vendeurs en assurant une présence de plus en plus fréquente et visible de la police municipale et en saisissant un maximum de paquets de cigarettes. »
Appréhensions tous azimuts
Sur le terrain, « 115 vendeurs ont été interpelés depuis le début de l’année, confirme Christophe Ringuet, directeur de la Police municipale, de la Prévention et de la Tranquillité publique. Mais les saisies sont de plus en plus difficiles. En effet, les vendeurs que nous appréhendons n’ont aujourd’hui qu’une toute petite quantité de cigarettes sur eux et presque jamais de cartouches. » Même son de cloche du côté du commissariat de police où Ingrid Chemith dénombre « 56 mis en cause interpelés et 576 paquets de cigarettes sortis de la voie publique pour le seul mois de mars 2022 ». Les vendeurs, plus nombreux, auraient toutefois pris le parti « d’avoir très peu de marchandise sur eux afin d’en perdre le minimum en cas d’interpellation. Par ailleurs, ils sont régulièrement remplacés par d’autres. »
À la différence des tendances remontées au niveau national – les douanes constatent actuellement le développement de réseaux polycriminels s’adonnant à la fois à la contrebande de tabac et à la vente de drogues – le trafic pantinois est, pour l’heure, « mono-produit », selon la commissaire, même s’il semble avoir adopté des méthodes comparables à celles des trafiquants de drogues. « Vous avez une tête de réseau – un rechargeur – et des appartements nourrices où les vendeurs vont récupérer leurs paquets », détaille-t-elle. Quant à ces derniers, ils sont, dans leur grande majorité, sans papiers, parfois réunis en groupe de 10 à 30 personnes autour des stations de métro Hoche et Quatre-Chemins. « À titre personnel, ils génèrent assez peu de revenus et travaillent 10 à 12 heures par jour, dans une forme de semi-esclavage », dévoile, de son côté, Christophe Ringuet.
Coordonner les efforts
Chaque semaine, le commissariat de police et la police municipale se coordonnent pour assurer un maximum de présence sur les points à fort trafic, c’est-à-dire à proximité des stations de métro. « Nous essayons d’être présents aux heures de pointe, entre 7.30 et 9.30 et entre 17.30 et 19.30, précise Ingrid Chemith. Sur ces plages horaires, les flux de circulation sont élevés et nous parvenons à perturber les ventes. Nous faisons aussi des passages réguliers tout au long de la journée pour empêcher les transactions et nous nous appuyons en permanence sur les caméras de vidéosurveillance du Centre de supervision urbaine (CSU) de la ville. »
Pour freiner l’essor de ce trafic, la commissaire en appelle par ailleurs à tous les Pantinois. « Nous allons intégrer la vente à la sauvette au prochain Groupe de partenariat opérationnel (GPO), créé début janvier, explique-t-elle. Notre volonté est de réunir toutes les personnes qui ont, à leur niveau, une capacité à agir sur cette problématique de sécurité : un représentant des riverains, un autre des commerçants, un élu du quartier, un dirigeant de la police municipale… Il s’agit de trouver avec eux des réponses appropriées et efficaces. »
Les discussions directes engagées avec les commerçants qui se plaignent de désagréments ont d’ailleurs déjà permis d’identifier, ou de résoudre, un certain nombre de problèmes, par exemple l’existence d’un fonds de commerce dans lequel les vendeurs pouvaient aisément cacher leurs stocks. « Le GPO sera l’occasion de rappeler aux commerçants et riverains qu’ils ne doivent pas hésiter à appeler le 17 et à solliciter une intervention du commissariat lorsqu’il y a un problème, conclut la commissaire. Parallèlement, nous devons tous accroître la sensibilisation du public sur les conséquences dramatiques de ce type de trafic. » Car c’est un fait : ce sont les signalements et le travail de terrain qui, au fur et à mesure, permettront de démanteler les filières.