Solidarité
Réfugiés ukrainiens : pour un accueil digne
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Des enfants ukrainiens accueillis dans les écoles de Pantin
Quand la guerre a éclaté, je suis allée chercher ma fille de 9 ans qui vivait chez ma mère à la frontière de l’Ukraine et de la Roumanie », nous raconte Oxana Aionesei, 32 ans, qui vivait déjà à Pantin. De retour en France le 6 mars, elle a pu la scolariser à l’école Joséphine-Baker, dans le quartier des Quatre-Chemins. « La ville a facilité les démarches d’inscription. Quant aux professeurs, ils sont gentils avec Rafaela qui commence à se faire des copines même si elle ne parle pas encore très bien le français. » Oxana vit dans un petit studio qu’elle a trouvé à la hâte pour pouvoir habiter avec sa fille. « Avant, je logeais chez une dame pour qui je fais le repassage. Je suis heureuse de voir Rafaela tous les jours… Finalement, la guerre a accéléré sa venue en France que je préparais depuis de longs mois. Mais le conflit m’inquiète énormément : j’appelle tous les jours ma mère et ma sœur qui sont restées en Ukraine. Elles me rassurent en me disant que la situation est calme à la frontière roumaine. »
Comme Rafaela, treize petits Ukrainiens sont actuellement accueillis dans les écoles de la ville. Parmi eux, il y a ce garçon qui a rejoint sa tante et laissé sa mère, médecin, et son père, mobilisé dans les combats. Ces enfants ont intégré les classes de maternelle et d’élémentaire des écoles Méhul, Charles-Auray, Brassens, Jean-Lolive, La Marine, Diderot, Liberté et Joséphine-Baker. Chacun d’entre eux tente à présent de se faire une place parmi ses nouveaux camarades. « Tout le monde fait preuve de beaucoup de bienveillance pour nous », affirme Oxana, touchée par l’accueil et le soutien qu’elle reçoit. Déterminée à s’en sortir, elle sait aussi qu’elle peut compter sur la générosité des habitants. « Les dames chez qui je fais le ménage me demandent toujours si j’ai besoin de quelque chose... Pour l’instant, je me débrouille. »
Associations et services municipaux à pied d’œuvre
Cependant, certaines familles, hébergées chez des proches, sont contraintes de se tourner vers les associations de solidarité. Le samedi, jour de distribution alimentaire à l’antenne pantinoise du Secours populaire, Nicolas Romarie en a identifié au moins six, venues chercher de la nourriture et des vêtements. Le responsable de l’antenne locale de l’association caritative ajoute : « Nous avons également prêté des ordinateurs à des adolescents et des étudiants. Le dialogue avec eux est facilité par une de nos bénévoles. D’origine ukrainienne, elle assure la traduction. »
Au sein du pôle Social de la ville, les équipes se tiennent, de leur côté, prêtes à soutenir les réfugiés qui auraient besoin d’aides d’urgence. « Pour le moment, nous avons été sollicités par quatre familles souhaitant être accompagnées dans leurs démarches administratives d’accès aux droits », indique la directrice de l’Action sociale et solidaire. Dans les centres municipaux de santé universitaires (CMSU), le personnel s’est également préparé à accueillir des réfugiés, mais « les personnes hébergées dans les centres d’accueil reçoivent des soins sur place, par la Croix Rouge notamment. De fait, elles ne font pas encore appel à nous », explique Didier Duhot, médecin directeur des CMSU.
- CCAS : 84-88, avenue du Général-Leclerc
Ouvert les lundi, mardi, mercredi, vendredi de 8.30 à 12.30 et de 13.30 à 17.30, le jeudi de 8.30 à 10.30 et de 13.30 à 17.30 - Adresses et horaires des CMSU sur le site internet de la ville
Priorité aux dons financiers
Pendant ce temps, dans les maisons de quartier, les Pantinois continuent à donner des vêtements, des sacs de couchage ou des médicaments que vient régulièrement récupérer Tiffen Guille, le responsable local de la Protection Civile. « En tout, nous avons constitué deux palettes avec les dons des Pantinois. Elles ont été acheminées vers l’Ukraine. Désormais, les convois s’effectuent soit en camion, soit en train. »
Mais, comme le rappelle Nicolas Romarie, la priorité reste aujourd’hui les dons financiers. « Nous avons d’ailleurs mis en place une collecte d’argent tous les mercredis à 18.00, au sein de notre local de la rue Denis-Papin », conclut-il.
- Collecte de dons financiers
Secours populaire, 19, rue Denis-Papin
Tous les mercredis à 18.00
Interview Bruno Morel, directeur général d’Emmaüs solidarité
« Pour eux, ce passage en France est provisoire »
Depuis le 3 mars, l’association Emmaüs solidarité accueille des réfugiés ukrainiens dans un hôtel de la ville où ils passent leur première nuit sur le sol français. Explications.
Canal : Quel est le rôle de l’hôtel pantinois où sont accueillis les réfugiés ukrainiens ?
Bruno Morel : Cet hôtel joue un rôle de « sas d’entrée » : les personnes accueillies – 4 000 jusqu’à présent – y passent leur première nuit et n’y restent, en général, pas plus de 24 heures. La plupart viennent de la gare de l’Est où un train en provenance d’Allemagne arrive en soirée. Un bus de la RATP les conduit ensuite à Pantin. Nos salariés et nos bénévoles leur donnent à manger, un médecin intervient si besoin. Grâce aux traducteurs, nous tentons de savoir où elles souhaitent se rendre. À peu près la moitié désire rejoindre des proches en Espagne, au Portugal, en Angleterre ou au Canada. Les autres, celles qui n’ont pas de point de chute, sont orientées vers le centre de la porte de Versailles, encadré par l’association France terre d’asile.
À quoi sert ce centre ?
B.M : Il permet d’effectuer les démarches pour obtenir un titre de séjour provisoire de six mois donnant accès à des droits (couverture médicale, allocation journalière…) et d’orienter les réfugiés vers les 35 centres d’hébergement en Île-de-France qui totalisent 5 200 places. C’est à ce moment-là que les enfants sont scolarisés et que les adultes ont accès à des cours de français. Je dois dire que la collaboration entre les associations et les pouvoirs publics est actuellement remarquable. Elle doit servir d’exemple pour les prochaines vagues de migration qui arriveront en France !
Dans quel état se trouvent les personnes que vous accueillez à Pantin ?
B.M. : Elles sont dans un état de fatigue et de détresse psychologique comme physique avancé, certaines étant sur les routes depuis dix jours. Ce sont principalement des femmes seules avec des enfants, des étudiants et, depuis quelques jours, des personnes âgées. Pour eux, ce passage en France est provisoire. Après la guerre, ils veulent retourner dans leur pays.