Art contemporain
Des objets à soi : premier Prix Sheds de l'art contemporain
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Pour la première édition du Prix Sheds de l’art contemporain, les organisateurs ont reçu 93 candidatures en provenance d’artistes habitant ou travaillant à Pantin. Un jury, composé de professionnels du monde de l’art, de Charline Nicolas, adjointe au maire déléguée aux Cultures, aux Mémoires et aux Patrimoines, et d’une habituée de l’artothèque, a ensuite retenu sept finalistes.
Âgés de 26 à 39 ans, ces artistes professionnels réalisent des sculptures, des vidéos ou encore des œuvres picturales. « Je me félicite de la qualité et de la diversité de leurs propositions, indique Charline Nicolas. Ce prix est une manière de reconnaître le dynamisme de la création artistique pantinoise. À travers cette distinction, nous donnons à voir la place importante qu’occupent les artistes dans notre ville. »
Exposition et médiation
En mars, Margot Rouas et Sarah Nasla, le duo de commissaires de l’exposition, se sont rendues dans l’atelier de chacun des candidats sélectionnés afin d’échanger avec eux et de trouver un fil rouge pour la présentation de leurs œuvres. « Nous nous sommes aperçues que la question de l’objet revenait dans leurs créations, expliquent-elles. Nous avons donc appelé l’exposition Des objets à soi, en référence au livre de Virginia Woolf, Une Chambre à soi. »
Depuis le 20 avril, les Pantinois ont la possibilité de découvrir l’exposition et de participer à des ateliers pour mieux comprendre la démarche des artistes, lesquels proposent des rencontres s’adressant tantôt aux enfants, tantôt aux adultes.
Des univers multiples
À l’issue de cette plongée dans des univers très différents, guidés par des cartels et des fiches de jeu, les visiteurs sont invités à voter pour leur artiste préféré, via deux bornes électroniques spécialement installées. « Depuis l’ouverture des Sheds, nous souhaitons que les habitants s’approprient cet espace, précise Charline Nicolas. Leur permettre de se prononcer et de choisir le lauréat, c’est aussi une manière de leur dire qu’ils sont légitimes pour s’exprimer au sujet d’une œuvre artistique. »
Le nom du lauréat sera dévoilé samedi 3 juin à l’occasion de la Nuit blanche. Ce dernier se verra doté de 2 500 euros et l’une de ses œuvres intégrera le Fonds municipal d’art contemporain. De son côté, le groupe du soutien scolaire de la maison de quartier des Quatre-Chemins décernera le Prix des enfants.
Informations pratiques :
- Exposition jusqu’au samedi 3 juin, du mercredi au vendredi, de 14.00 à 18.00, et le samedi de 14.00 à 19.00.
- Vote jusqu’au vendredi 2 juin.
- Les Sheds : 45, rue Gabrielle-Josserand. Entrée libre.
Présentation des artistes
Jessica Lajard
Sculpter le désir
Ses sculptures offrent de nouvelles illustrations du corps, du désir et de la jouissance. « Des représentations éloignées des images façonnées par la publicité ou le cinéma hollywoodien », résume Jessica Lajard. Avec la pièce qu’elle expose aux Sheds, l’artiste revisite un corps de femme en exagérant la tension entre le féminin et le masculin. « Aujourd’hui, les luttes féministes et queer font apparaître de nouvelles possibilités. Nous avons le choix de nous approprier notre corps, d’en faire une matière malléable puisqu’il est devenu le lieu de nouveaux imaginaires », explique celle qui enseigne l’histoire de l’art à l’université d’Amiens. « L’ouverture des Sheds et la création de l’artothèque sont des signaux forts de la démocratisation culturelle. Ils font en effet en sorte que l’art contemporain ne soit pas coupé du monde », conclut-elle.
Instagram : jessica.lajard
Alexandre Bavard
De la rue à la galerie d’art
Dans le monde du graffiti, il est connu sous le nom de Mosa, un « blaze » qu’il a tagué un peu partout dans Paris. Mais Alexandre Bavard est aussi passé par l’école Boulle et les Beaux-Arts de Lyon où il a appris à maîtriser les techniques de la vidéo, de la sculpture et de la peinture. Une formation qui lui a ouvert les portes des galeries d’art contemporain du monde entier, lesquelles exposent son travail inspiré de la rue. Le trentenaire s’est installé il y a dix ans dans un atelier implanté au sein de l’ancien bâtiment de la Sernam, jouxtant le faisceau de voies ferrées des Quatre-Chemins. « Pantin est un territoire en transition qui m’inspire, explique-t-il. On y trouve des espaces pas encore gentrifiés et des terrains vagues. » Aux Sheds, l’artiste expose d’ailleurs une toile qu’il a conçue en utilisant des mauvaises herbes cueillies dans l’un d’entre eux.
Instagram : 87mosa87
Aïda Bruyère
Féministe post-apocalyptique
Alors qu’elle était étudiante aux Beaux-Arts de Paris, Aïda Bruyère dévoilait déjà des œuvres au Palais de Tokyo. Au fil d’installations et d’images imprimées, cette jeune femme de 27 ans détourne les codes de la beauté féminine et revendique des positions radicales. Dans une ambiance post-apocalyptique, Aïda Bruyère fait en effet surgir de la culture populaire les éléments d’une « artillerie guerrière féminine ». Pour le Prix Sheds de l’art contemporain, elle a conçu une série de peintures sur pull-over évoquant le corps des femmes, les ongles et le maquillage. Issue de la culture du fanzine, elle s’attache à désacraliser l’œuvre d’art en assumant une « esthétique de la débrouillardise ». Installée depuis septembre dans les locaux d’Artagon, l’artiste se réjouit des rencontres qu’elle a faites dans ce temple de la scène artistique émergente mis à disposition par la ville.
Instagram : aida.bruyere
Jérémy Berton
Matériaux à réflexion
Il se définit comme un sculpteur, questionnant le réel et ses représentations. Jérémy Berton a cofondé l’atelier Entre deux à Pantin en sortant des Beaux-Arts de Paris en 2011. À 36 ans, il utilise une large gamme de matériaux pour concevoir des pièces incarnant une réflexion sur la société. « En ce moment, je m’intéresse aux représentations du champ économique et au rapport de notre société au capitalisme. » L’œuvre qu’il a soumise au jury du Prix Sheds de l’art contemporain représente un camion de transport de fonds miniature sur lequel est posée une main pleine de diamants. Dans son travail, l’ironie et l’ambivalence ne sont jamais bien loin. Devenu professeur aux Beaux-Arts de Paris, Jérémy Berton se réjouit de présenter ses réalisations aux Pantinois et notamment aux habitants qui n’appartiennent pas au « petit cercle » de l’art contemporain.
Instagram : jeremy.berton
Elsa Fauconnet
Les mondes fantasmés
Dans ses films expérimentaux et ses installations, cette artiste passée par les Beaux-Arts de Paris perturbe le réel en mettant en scène des mondes fantasmés. « J’aime raconter des histoires. Pour cela, je mélange objets du réel et fictions loufoques. » Dans l’œuvre qu’elle présente aux Sheds, Elsa Fauconnet combine les téléphones portables et les réalités surnaturelles avec, pour but, de transformer nos outils de télécommunication en une fabrique à fantômes. Travaillant à Pantin depuis neuf ans, cette femme de 38 ans a connu l’atelier ChezKit avant de poser ses valises chez son voisin, l’Entre deux. Soucieuse de briser les hiérarchies entre les artistes et les amateurs, Elsa Fauconnet enseigne la peinture, la gravure et le dessin à des enfants et des adultes d’Aubervilliers et de Juvisy-sur-Orge. « Je suis attachée à la notion d’éducation populaire. Le projet des Sheds ne peut donc que me plaire ! »
Instagram : elsafauconnet
Antoine Liebaert
La gentrification en question
Parti du dessin et de la gravure, Antoine Liebaert s’est tourné vers la sculpture pour conquérir l’espace. Formé aux Beaux-Arts de Paris et marqué par une expérience à Pékin, cet artiste de 36 ans interroge la place des artistes dans notre société. Ainsi, il n’hésite pas à intervenir en prison ou dans des centres hébergeant des personnes handicapées pour se confronter aux marges. À travers la statuette baptisée Agent gentryficateur qu’il expose actuellement aux Sheds, Antoine Liebaert pose, par exemple, la question de l’impact de l’artiste sur le territoire. Celui qui vit à Montreuil et travaille à Pantin constate que ces deux villes se gentrifient à mesure que les artistes s’y installent, alors même que ces derniers ne cessent de dénoncer et de regretter cet embourgeoisement. « L’auto-dérision et l’auto-critique font partie de mon travail », conclut-il.
Instagram : antoine.liebaert
Silina Syan
L’entre-deux culturel
Du haut de ses 26 ans, la plus jeune artiste concourant au Prix Sheds de l’art contemporain se présente comme photographe et vidéaste. Avec un père originaire du Bangladesh et une mère française ayant des racines arméniennes, Silina Syan se réapproprie les récits de sa famille pour se pencher sur la notion d’hybridité culturelle.
Pour l’exposition Des Objets à soi, elle propose le film du mariage de son cousin, tourné l’été dernier à Pantin. Une union qui s’est jouée à distance puisque la mariée vit encore au Bangladesh. « Grâce à WhatsApp et à un rétroprojecteur, les invités voyaient la mariée en vidéo. J’ai le souvenir d’enfance d’un mariage où j’ai cherché la mariée toute la journée. J’ai fini par comprendre qu’elle était au bout du fil, le téléphone était posé sur une table… »
Son œuvre, qui parle de l’exil et de l’entre-deux culturel, se veut à la portée de ceux qui n’ont pas l’habitude de fréquenter les galeries d’art. « C’est important pour moi que mon travail soit compris par tout le monde. »
Instagram : silinasyan