Culture
Le street art, une expression artistique importante à Pantin
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Le street art, un mouvement qui vient des États-Unis
Entre initiations aux Sheds et visites commentées des meilleurs spots, cet été sera celui du street art ! Polymorphe, cette pratique naît aux États-Unis à la fin des années 60. Les writers associent alors un nom – ou tag – au numéro de leur rue. Mais le nom est bientôt remplacé par le « blaze », donnant ainsi naissance au graffiti, terme faisant référence au verbe graffiare – littéralement griffer ou gratter – inventé par l’archéologue italien Raffaele Garucci pour qualifier les inscriptions découvertes à Pompéi et Herculanum.
Dans les années 70, les lettres gonflent, se colorent, s’accompagnent parfois de « puppets » (personnages s’apparentant à des marionnettes) et envahissent les murs où ils bénéficient d’une large visibilité. Par essence libertaire, le street art reprend alors les codes de la société de consommation pour mieux les combattre… de manière politique ou simplement poétique.
Quand le graffiti débarque en France, d’abord au cœur de Paris, importé par des jeunes l’ayant découvert outre-Atlantique, puis en banlieue, les autodidactes se mêlent aux artistes, les jeunes des quartiers populaires aux bourgeois. « Dans ce milieu, ni l’origine sociale, ni le métier n’ont d’importance : tout ce qui compte, c’est d’avoir un style qui déchire », explique la guide-conférencière Thomasine Zoler, médiatrice du collectif MUR93, qui, en juillet et août, animera les croisières commentées de L’Été du canal.
Un terrain de jeux idéal
Avec ses friches, son dense réseau ferroviaire et ses nombreux vestiges industriels, Pantin ne tarde pas à devenir le terrain de jeu préféré des graffeurs. En 2004, les Magasins généraux, délaissés par leurs derniers occupants, se transforment, avant l’installation de l’agence de communication BETC en 2016, en temple du street art. Dans cette carcasse de béton posée au bord du canal, Marko93, Artof Popoff et Da Cruz –pour ne citer qu’eux – laissent leurs empreintes colorées et font de Pantin un lieu qui compte dans l’histoire du mouvement. « Le graff a accompagné, et accompagne encore, la métamorphose de la ville. Il est donc éphémère par nature », analyse Vincent Chartier, responsable de développement pour Seine-Saint-Denis Tourisme, institution qui est parvenue à faire de l’art urbain un élément d’attractivité du territoire.
Car, si aujourd’hui encore, le street art peut être considéré comme du vandalisme, une tolérance existe bel et bien dans certains endroits. « De nombreux graffeurs reçoivent même des commandes institutionnelles », abonde Thomasine Zoler. C’est le cas de Zdare. S’activant depuis 12 ans sur les berges de l’Ourcq avec ses inscriptions parfois accompagnées de son personnage bleu, il vient d’illustrer la campagne de communication estivale d’une ville voisine. « En conséquence, j’ai créé mon autoentreprise, se réjouit-il. Cela légitime mon travail exactement comme lorsque des passants me félicitent. »
Vers la reconnaissance
Partie intégrante de l’identité de Pantin, le street art s’y fera bientôt une place aux Sheds, sous forme d’ateliers et d’expositions. Mais la ville n’a pas attendu l’inauguration de cet espace en partie dédié aux arts plastiques pour commander des œuvres aux artistes. Ainsi, celles qui habillent les murs de l’Îlot 27, véritable musée à ciel ouvert que l’on visite désormais, ou encore les fresques de Pboy et Dourone réalisées dans le cadre de la première édition du budget participatif. Quant au Comité départemental du tourisme, il est à l’origine d’un projet qui n’est pas étranger à la relation fusionnelle qu’entretiennent le street art et le canal. En 2018, il avait en effet commandé à Marko93, BKFoxx et Fin Dac les portraits de Sarah Ourahmoune, de Marion Cotillard et de L’impératrice Nühuang, laquelle retrouvera son visage cet automne. Mais ces commandes publiques ne feraient-elles pas perdre son âme au street art ? Si Thomasine Zoler considère qu’il reste avant tout une pratique de l’ombre, elle estime pour autant que « l’essence du graffiti est aussi dans la quête de la performance et du lieu. » À cela, s’ajoute désormais la recherche du spot parfait à partager sur Instagram... Et Pantin en regorge !
En savoir plus :
- Pour (re) découvrir le temple du street art que furent les Magasins généraux, rendez-vous sur le site internet dédié.
- Ateliers graff aux Sheds par le collectif Murals : du 19 juillet au 6 août, les mardi, jeudi et samedi de 15.00 à 18.00. Gratuit, inscription sur place le jour-même. 45, rue Gabrielle-Josserand.
STREET ART AU FIL DE L'EAU
Dans le cadre de l’Été du canal, le Comité départemental du tourisme de la Seine-Saint-Denis organise huit croisières street art (les 9, 10, 16, 24, 30 et 31 juillet puis les 7 et 14 août) sur le canal de l’Ourcq au départ du bassin de La Villette. Deux heures de balade au fil de l’eau, commentées par Thomasine Zoler, médiatrice de MUR93, et l’artiste pochoiriste Nicolas Obadia, pour découvrir les liens étroits qui unissent le street art et le canal. À noter que les visites des 16 et 30 juillet seront traduites en langue des signes et que Seine-Saint-Denis Tourisme proposera aussi des visites à pied ayant pour point d’orgue une initiation sur un mur de Bobigny.
Les samedis 9 et 16 juillet, la Manufacture 111 est conviée afin d’orchestrer des croisières street art et hip hop. L’occasion d’embarquer pour un aller-retour en musique entre le bassin de La Villette et le pont de Bondy en compagnie de Nicolas Obadia et de JP MANO, spécialiste des cultures urbaines et de la mouvance hip hop.
En août (les 6, 7, 13 et 14), les amateurs de street art et de cinéma seront comblés par la croisière qui accostera parc de La Villette pour une projection en plein air.
> Toutes les informations et réservations sur le site internet d'#ExploreParis.
3 questions à...
Charline Nicolas, adjointe au maire déléguée aux Cultures, aux Mémoires et aux Patrimoines
Canal : Que raconte la pratique du street art à Pantin ?
C.N. : À Pantin, le street art accompagne la transformation de la ville depuis des années : les friches et les bâtiments à rénover créent des opportunités évidentes pour les artistes. Je pense tout particulièrement aux anciens magasins des douanes qui ont constitué, avant leur rénovation, un immense terrain de jeu pour les graffeurs. Mais si le street art est autant développé dans notre ville, c’est aussi parce que la municipalité favorise cette forme d’expression. Elle la promeut ainsi à des endroits précis, comme cela a été le cas avec les fresques réalisées par Pboy et Dourone dans le cadre du Budget participatif 2018 ou sur la dalle de l’Îlot 27 qui est devenue un véritable musée à ciel ouvert.
Est-ce à dire que la rue est le musée de demain ?
C.N. : L’espace public est un terrain privilégié pour donner à voir l’art aux passants afin qu’ils puissent, même sans en avoir l’intention, y avoir accès. Faire en sorte que l’expression créative aille à la rencontre des habitants : c’est là un axe très fort de notre politique culturelle. Pour nous, l’offre artistique dans la rue peut en effet permettre d’ouvrir une porte vers le musée. C’est également l’objectif que nous poursuivons avec la Micro-Folie installée au sein de l’antenne jeunesse des Quatre-Chemins.
Avec l’inauguration des Sheds, dont 200 m2 sont dédiés aux arts plastiques, la ville ambitionne-t-elle de développer les cultures urbaines ?
C.N. : Nous souhaitons effectivement favoriser ce mouvement, non seulement en ce qui concerne les pratiques picturales, mais aussi pour ce qui est du spectacle vivant. En matière d’arts plastiques, les Sheds accueilleront ainsi des expositions de street art retraçant notamment l’histoire de ce mouvement à Pantin. Nous désirons aussi y proposer des ateliers. Nous venons en outre d’acquérir une œuvre de l’artiste pantinois Serge Bilous qui parsème la ville de ses collages en trompe-l’œil. Elle viendra enrichir notre fonds d’art contemporain proposé en prêt aux habitants via l’Artothèque. La création issue de la rue entrera ainsi dans les foyers.
Retrouvez les autres articles du dossier "The place to graff", réalisé par Pascale Decressac, publié dans Canal n°308, juillet/août 2022 :
> "L'impératrice, un nouveau visage pour cette oeuvre de street art"
> "Le 27, créer du lien par le street art"
> "Trois spots de street art, hors des sentiers battus à Pantin"
> "Les K.Releuses, du street art d'un genre nouveau"