Place aux femmes : la féminisation de l'espace public

En France, on estime que seulement 6 % des noms de rues se réfèrent à des femmes, contre 40 % en moyenne pour les hommes, le reste étant composé d’autres noms (villes, batailles, événements nationaux...). « Ce déséquilibre historique est injuste et il pose de nombreux problèmes aux femmes qui se sentent littéralement invisibilisées, regrette Hawa Touré, conseillère municipale déléguée à l’Égalité femmes-hommes et à la Lutte contre les discriminations. Il faut absolument y remédier et c’est ce que nous faisons depuis plusieurs années à Pantin où plus de 10 % des odonymes renvoient désormais à des femmes. À terme, nous souhaitons franchir la barre des 20 %. »

Des noms féminins, partout, pour toutes

En amont de cette opération, des ateliers ont permis à des Pantinoises et Pantinois de sélectionner des noms susceptibles d’incarner les structures et lieux retenus (lire pages suivantes). « Avec les participants à cette première phase de consultation, nous sommes en train de rédiger les biographies des personnalités identifiées, lesquelles seront réunies dans un livret consultable durant toute la période de votation », précise Simon Bouhoulou. Les résultats seront dévoilés entre les 3 et 8 mars, à l’occasion de la Semaine de l’égalité.

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La votation se déroulera du 16 décembre au 14 février

► Pour se prononcer, il suffira de remplir le bulletin figurant dans votre édition de Canal et de le retourner gratuitement par voie postale. Ce document pourra également être consulté, et le questionnaire rempli en quelques clics, sur jeparticipe.pantin.fr
► Il sera aussi possible d’effectuer son choix sur la plupart des sites en phase de féminisation par l’intermédiaire de bornes de vote spécialement installées. En plus de panneaux biographiques, des bornes audio vous permettront d’écouter, dans la majorité des lieux concernés, des informations relatives à chacune des personnalités soumises à la votation.
► Pour se prononcer :  via jeparticipe.pantin.fr à partir du 16 décembre

Et aussi : 11 lieux municipaux à baptiser au féminin

Le moins que l’on puisse dire, c’est que les Pantinoises et Pantinois ont été très inspirés pour proposer des personnalités qui correspondront aux lieux soumis à la votation. De la première phase de concertation, il ressort en effet une liste de noms prestigieux, liés à des figures décédées, qui, si elles ne sont pas toutes connues, méritent d’entrer dans notre histoire partagée. 

Les voix américaines • Antenne jeunesse du Haut-et-Petit-Pantin

Trois possibilités s’ouvrent à vous : l’actrice et chanteuse Marilyn Monroe (1926-1962), qui s’est battue pour l’émancipation féminine ; l’écrivaine Maya Angelou (1928-2014), l’une des figures de proue du combat pour les droits civiques des Afro-Américains, et Harriet Tubman (1820-1913) qui a combattu contre l’esclavage, puis contre le racisme et pour le droit de vote des femmes.

► Vote sur place du 6 au 19 janvier (17-19, rue Candale)

Les engagées pour les droits civiques • Maison de quartier des Courtillières

En plus d’Aretha Franklin et de Nina Simone, chanteuses américaines et inlassables militantes en faveur des droits civiques des Afro-Américains, on trouve Marie-Clémentine Bendo, une Pantinoise décédée en 2017. C’est elle qui créa, en 1988, l’association Femmes médiatrices, laquelle accompagne les familles immigrées dans leurs démarches administratives et leur vie quotidienne. S’ajoutent à cette liste la chanteuse malienne Fantani Touré (1964-2014), l’une des voix de la cause des femmes dans son pays, et l’institutrice féministe Louise Michel qui fut l’une des plus grandes figures de la Commune de Paris.

►  Vote sur place du 6 au 19 janvier (1, avenue Aimé-Césaire)

Les voix du monde arabe • Antenne jeunesse des Quatre-Chemins

Il y a la voix de celles qui chantent, comme la diva égyptienne Oum Khaltoum (1898-1975), adulée dans le monde arabe et plus largement. Et il y a aussi la voix de toutes celles qui écrivent et parlent, telles la poétesse palestinienne Fadwa Touqan (1917-2003), la féministe égyptienne Huda Sharawi (1879-1947) et l’écrivaine et psychiatre égyptienne Nawal El Saadawi (1931-2021) qui, à plusieurs reprises, dut s’exiler du fait de ses prises de position en faveur de l’égalité et de la démocratie.

► Vote sur place du 3 au 14 février (32, rue Sainte-Marguerite)

Les militantes • Maison de quartier des Quatre-Chemins

Parmi les quatre noms proposés, Assia Djebar, née en 1936 en Algérie. Cette figure majeure de la littérature maghrébine s’est régulièrement engagée pour améliorer la condition des femmes de son pays. Marie Pape-Carpantier, née en 1815, a, pour sa part, théorisé les ancêtres des écoles maternelles. L’avocate Jeanne Chauvin, née en 1862, s’est, de son côté, impliquée dans les premiers mouvements en faveur de l’égalité des sexes et du droit de vote des femmes. Enfin, Jane Addams, née en 1860, fut à l’origine de l’un des premiers centres sociaux de Chicago.

► Vote sur place du 20 janvier au 2 février (42, avenue Édouard-Vaillant)

Les icônes • Antenne jeunesse Hoche

Pour son futur nom, cette antenne jeunesse vous donne le choix entre trois Afro-Américaines devenues des figures emblématiques : Rosa Parks (1913-2005), rendue célèbre par son refus de céder sa place à un passager blanc dans un autobus, la chanteuse de jazz Ella Fitzgerald (1917-1996) et la sprinteuse Wilma Rudolph (1940-1994) qui a inspiré nombre de ses semblables en remportant trois médailles d’or aux JO de 1960.

► Vote sur place du 3 au 14 février (13, rue Honoré-d’Estienne-d’Orves)

Les résistantes • Mail du quartier du Port

Quatre propositions de résistantes lors de la Deuxième Guerre mondiale ont été émises pour le mail reliant l’avenue Jean-Lolive à la rue de l’Ancien-Canal. La première est la journaliste Madeleine Riffaud (1924-2024). Engagée dès ses 18 ans dans un groupe de partisans, elle fut déportée, le 15 août 1944, depuis le quai aux Bestiaux, vers le camp de Ravensbrück. Les trois autres s’illustrèrent dans la résistance locale : Madeleine Gueu (1920-2009), nommée maire honoraire par Jacques Isabet en 1983, Marcelle Street (1912-1995), conseillère municipale de 1965 à 1977, active dans les opérations visant à cacher des familles juives et des réfugiés politiques et Andréa Pailler (1882-1969) qui a accueilli à son domicile pantinois de nombreuses réunions clandestines.

Les soignantes • CMS Édouard-Vaillant

Six noms de personnalités sont en lice pour ce centre municipal de santé qui sera inauguré en 2025 : Madeleine Pelletier, la première femme médecin de France diplômée en psychiatrie en 1906 ; Jeanne Lévy, née en 1895, à la fois première agrégée de médecine du pays et première professeure agrégée de la faculté de médecine de Paris ; Marthe Gautier, née en 1925 qui a découvert, en 1959, le chromosome responsable de la trisomie 21 et Alice Mathieu-Dubois, née en 1861, qui fut la première bachelière et la première Française noire à devenir docteure en médecine. Les deux dernières personnalités proposées ont été parmi les premières à théoriser les soins infirmiers : il s’agit de l’américaine Virginia Henderson, née en 1897, et de la britannique Florence Nightingale, née en 1820

Les femmes de savoir • École du quartier du Port

Quatre propositions ont vu le jour pour baptiser cette école. En plus de l’américaine Toni Morrison, prix Nobel de littérature en 1993, et de la française Pauline Kergomard, considérée comme l’inventrice des écoles maternelles sous leur forme actuelle, les participants aux ateliers ont choisi de mettre en lumière la princesse peule Nana Asma’u. Née en 1793, elle a initié un système d’éducation à destination des femmes de Sokoto, au Nigeria. Ils ont aussi décidé de soumettre au vote le nom de la chercheuse française Sophie Germain qui, pendant 10 ans, utilisa un nom d’emprunt masculin afin de se faire une place dans le domaine des mathématiques..

Un article de Christophe Dutheil publié dans Canal n°332 - décembre 2024