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Commerces et entreprises

Pantin a de l’or dans les mains

Bijouterie, céramique, tapisserie, gravure, reliure… Depuis le début des années 2000, des dizaines d’artisans d’art ont développé leur activité à Pantin, et notamment aux Quatre-Chemins, grâce à la création du pôle des Métiers d’art.

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Un secteur que la ville entend redynamiser cette année avec la reprise de la gestion de la Maison Revel, l’ouverture d’une boutique éphémère destinée aux créateurs locaux ou encore la mise à disposition d’ateliers. Tour d’horizon à l’approche des Journées européennes des métiers d’art et de la huitième édition de la biennale Émergences.

Retrouvez tous les articles du dossier « Pantin a de l'or dans les mains », réalisé par Catherine Portaluppi  et Guillaume Gesret : 
► Dans le Canal n°334 (mars 2025)
► Dans la rubrique "Aller plus loin"

«Sans le pôle des Métiers d’art, je n’aurais jamais pu réussir ! Pantin m’a accueillie en 2002, aux Quatre-Chemins, dans un atelier à prix très bas alors que j’avais une faible solvabilité. C’était idéal pour se lancer », s’exclame Vanessa Mitrani, designer de verre dont les créations s’arrachent aujourd’hui dans le monde entier. Même satisfaction chez Ariel Fleiszbein, de l’atelier m.u.u.r., un lieu de création, de production et d’édition d’art installé avenue Édouard-Vaillant depuis 2013. « Les Quatre-Chemins sont très vivants. Carrefour des migrations, le quartier résiste à l’uniformité de la gentrification. C’est l’endroit idéal pour y travailler plusieurs formes de récits. »

Une image positive

Si les Quatre-Chemins comptent aujourd’hui plus de 40 ateliers, c’est grâce à la conviction d’Aline Archimbaud, alors adjointe au maire déléguée à l’Économie solidaire, qui créa le pôle des Métiers d’art au tournant de l’an 2000. « Il s’agissait, précise-t-elle, de réhabiliter des rez-de-chaussée abandonnés et un peu délabrés pour les louer à de jeunes artisans, à des prix très inférieurs à ceux du marché. Nous voulions requalifier ce quartier grâce à des activités de qualité, en y apportant du beau, voire du très beau. Les artisans d’art sont des figures socialement très intéressantes car passionnées. Ce sont des passeurs qui renvoient aux habitants une image très positive. »

Soutenue par les maires Jacques Isabet et Bertrand Kern, Aline Archimbaud engage ensuite la réhabilitation de la Maison Revel, devenue, en 2008, centre de ressources pour les métiers d’art. En 2010, la première biennale Émergences regroupe quelques créateurs salle Jacques-Brel. En 2013, sous l’impulsion de la principale du collège Jean-Lolive, naît la première classe métiers d’art en France. Aujourd’hui encore, Aline Archimbaud en est convaincue : « Les métiers d’art peuvent donner un sens à la vie de certains jeunes ! »

En l’espace d’une vingtaine d’années, le pôle des Métiers d’art est devenu un véritable atout pour les nouveaux arrivants. « C’est rassurant et stimulant quand on débute de profiter d’un tel réseau, confirme Marion Huchet, à la tête de l’atelier de reliure Dreieck. Nous bénéficions en effet d’une grande entraide. C’est un petit écosystème qui fonctionne bien. De plus, comme on travaille en vitrine, les voisins sont vite venus nous regarder… »

L’attrait de Pantin auprès des créateurs et des centres de formation, également boosté par la présence sur le territoire de Chanel et d’Hermès, deux grandes maisons du secteur du luxe faisant appel à de nombreux artisans, ne s’est jamais démenti : l’Académie des métiers d’art, centre de formation en joaillerie, s’est installée en 2019 rue Delizy, tandis que le Pôle d’excellence des matériaux souples des Compagnons du devoir, qui forme aux métiers du cuir, a pris ses quartiers en 2015, rue des Grilles. De leur côté, les Ateliers Diderot, ouverts l’an dernier, accueillent aussi des artisans d’art à l’image de Pierre Tatin, maître verrier. « La ville a un dynamisme qui m’attirait et on venait de travailler avec Hermès », justifie-t-il.

Un secteur redynamisé

Malmené depuis quelques années par les crises du Covid et des consommateurs de crack, le pôle des Métiers d’art reste piloté par Est Ensemble. Pour autant, la ville vient de reprendre la gestion de proximité de la Maison Revel. Pantin vient ainsi de lancer un appel à projets pour confier son animation à un acteur spécialisé. Sa mission : l’ouvrir largement sur le quartier – un mouvement déjà impulsé grâce à un récent partenariat noué avec la Cité éducative.

La ville poursuit également ses négociations avec les bailleurs pour dénicher des locaux à prix négociés et recherche des artisans prêts à s’y installer. Elle soutient par ailleurs le projet du Marché des réformés, qui pourrait proposer des ateliers-boutiques sous la halle Magenta, et prévoit l’ouverture prochaine d’une boutique éphémère dédiée aux créateurs locaux.

Enfin, la commune travaille à réserver, aux acteurs de l’économie sociale et solidaire, dont des artisans d’art, des locaux en pied d’immeuble dans les futurs projets d’urbanisme. Aux Grandes Serres, 3 000 mètres carrés leur seront ainsi loués à des prix deux à trois fois inférieurs à ceux du marché. Et l’ambition est identique pour le futur écoquartier…

Le printemps des métiers d’art

À vos agendas !

Du 7 au 23 mars : Curiositas 
► Exposition autour du premier concours de création organisé par Révélateur, l’association d’artisans d’art pantinois
► Soirée de finissage le 21 mars
► Maison Revel : 56, avenue Jean-Jaurès
► Entrée libre tous les vendredis et samedis de 14.00 à 19.00 et les dimanches de 14.00 à 18.00
Les 5 et 6 avril : Journées européennes des métiers d’art (JEMA)
► Visites d’ateliers, rencontres et initiations pour faire découvrir les métiers d’art et du patrimoine vivant
► Plus d'infos : Site web - Journée des métiers d'art
Du 10 au 13 avril : biennale Émergences
► L’événement, organisé par Est Ensemble et soutenu par la ville, s’intitulera 9 Ter-Destination métiers d’art et  mettra en lumière les métiers d’art comme vecteurs de lien social et de dialogue entre les générations.
► CND : 1, rue Victor-Hugo
► Programme complet : Site web - Est-Ensemble

3 questions à…

Salim Didane, adjoint au maire en charge du Développement territorial, de l’Emploi, de la Formation et de l’Économie sociale et solidaire.

Canal : La ville a fait une large place aux métiers d’art, particulièrement aux Quatre-Chemins. Quelle est leur part dans le rayonnement de Pantin et son développement économique ?Salim Didane : Ces métiers, qui mettent en avant des savoir-faire et incarnent une forme d’excellence, permettent de valoriser l’image des quartiers populaires. Le pôle Métiers d’art des Quatre-Chemins a impulsé la création d’une classe métiers d’art au collège Jean-Lolive et de la biennale Émergences, dont la vocation pédagogique auprès des jeunes du territoire est importante. De plus, grâce à lui, des artisans d’art aujourd’hui internationalement reconnus ont pu faire grandir leur activité à Pantin. Enfin, soutenir ces métiers, c’est aussi réaffirmer l’histoire productive de la ville. Ce n’est pas un hasard si une grande maison comme Hermès a choisi de s’implanter à Pantin, tout comme l’Académie des métiers d’art et la maison des Compagnons du devoir.

En reprenant en main l’avenir de la Maison Revel, centre de ressources des métiers d’art sous-exploité ces derniers temps, la ville s’engage pour redynamiser ce secteur. Comment cette volonté politique va-t-elle se concrétiser ?

S.D. : La Maison Revel, créée par la ville et dont la gestion a ensuite été transférée à Est Ensemble, a pour vocation de favoriser l’installation de nouveaux artisans d’art aux Quatre-Chemins et de valoriser l’activité de ceux déjà installés, tout en facilitant leur interaction avec le quartier. Elle a connu une déshérence progressive suite aux crises du Covid et des consommateurs de crack. Par ailleurs, le territoire n’était sans doute pas la bonne échelle pour la gestion de la Maison… Nous avons donc lancé un appel à projets pour trouver un acteur qui assure son animation afin qu’elle remplisse à nouveau ses missions, tout en étant largement ouverte sur le quartier en proposant, par exemple, des événements le soir et le week-end.

Quels sont les projets à venir côté développement des métiers d’art ?

S.D. : Nous voulons encourager tout ce qui contribue à leur visibilité : nous souhaitons ainsi créer une boutique éphémère au sein de laquelle les artisans d’art pantinois pourront vendre leurs créations. Nous relançons aussi la politique d’aide aux installations en garantissant des prix de location accessibles grâce à des conventions signées avec les bailleurs. En partenariat avec la Chambre de métiers du département, nous mettrons aussi sur pied une campagne de recrutement d’artisans en quête d’ateliers. Plus largement, nous travaillons afin de garantir dans les grands projets de la ville – aux Grandes Serres ou au sein de l’écoquartier par exemple – des rez-de-chaussée à prix négociés réservés aux acteurs de l’économie sociale et solidaire, dont des artisans d’art. Une bataille qui se mène maintenant !